Le ministre Bolduc attaque François Legault et le Dr Gaétan Barrette

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc.
Photo: Jacques Grenier - Le Devoir Le ministre de la Santé, Yves Bolduc.

Québec — Une véritable catastrophe s'abattra sur le Québec si jamais la coalition de François Legault prend le pouvoir aux prochaines élections, prédit le ministre de la Santé, Yves Bolduc.

Et ce sera encore pire si le président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barrette, se joint à lui pour devenir ministre de la Santé.
 
Dans une sortie d'une rare virulence, lors d'un entretien de plus d'une heure accordé à La Presse Canadienne, le ministre Bolduc a montré les griffes pour décrier à la fois le bilan du chef de la Coalition Avenir Québec lorsqu'il était ministre de la Santé, de 2002 à 2003, et son style de gestion.
 
Il trace un portrait peu flatteur de François Legault, qu'il décrit comme un ministre «détesté» des fonctionnaires, qui a laissé sa marque en traitant «tout le monde d'incompétent» et en gérant les médecins «à coups de pied», en les «fouettant» parce qu'ils étaient trop «paresseux».
 
Pire, poursuit-il, les fonctionnaires ont constaté qu'il est arrivé à la tête de ce ministère complexe aux innombrables tentacules avec une mentalité de comptable, bien décidé à gérer le réseau de la santé comme une compagnie d'aviation (M. Legault a été président d'Air Transat avant de se lancer en politique).
 
«Il pensait qu'un réseau de la santé ça se gérait comme un avion», relate M. Bolduc, sourire en coin, reprenant à son compte les critiques rapportées par les hauts-fonctionnaires de son ministère.
 
Au total, M. Bolduc accuse M. Legault d'avoir participé à la «démolition» du réseau de la santé, entreprise sous le règne péquiste, avec son approche comptable et sa façon cavalière de transiger avec les fonctionnaires et les différents groupes de professionnels de la santé.
 
Du grabuge

Cette entreprise de démolition serait complète, selon lui, si d'aventure le président de la Fédération des médecins spécialistes, le Dr Gaétan Barrette, pressenti pour être candidat de la CAQ, lui succédait comme ministre de la Santé.
 
Car le Dr Barrette cherche toujours «à imposer ses idées» et n'hésitera pas à faire du grabuge, selon le ministre Bolduc.
 
«C'est quelqu'un qui va mettre la hache dans le réseau de la santé», assure-t-il, en prédisant un véritable chaos.
 
«Il veut rentrer en guerre avec les pharmaciens, il veut rentrer en guerre avec les médecins de famille», prédit le ministre, qui s'attend aussi à ce que le Dr Barrette coupe le nombre d'admissions dans la facultés de médecine, ayant déclaré qu'il ne manquait pas de médecins, le problème de l'accessibilité aux soins de première ligne étant plutôt dû au fait qu'ils ne travaillaient pas suffisamment d'heures, le soir et les week-ends.
 
Aux yeux du Dr Barrette, «tout le monde sont des paresseux», déplore le ministre Bolduc, qui s'attend à une «grande démolition du réseau de la santé», si le président de la FMSQ se lance en politique.
 
De plus, il lui prête l'intention d'adopter une attitude corporatiste, en privilégiant les médecins spécialistes au détriment d'autres professionnels de la santé, s'il devient membre du gouvernement.
 
«Il va s'organiser pour que ce soit les spécialistes qui aient les plus gros avantages dans le réseau de la santé», selon le ministre.
 
Si le Dr Barrette donnait suite aux engagements de la CAQ en santé (comme l'abolition des Agences de santé et services sociaux), cela aurait pour effet de «retarder encore de cinq ans l'évolution et l'amélioration du réseau», privant d'autant les patients de soins auxquels ils ont droit.
 
La sortie du ministre Bolduc, pourtant d'un naturel affable et posé, peut laisser croire que les libéraux de Jean Charest prennent très au sérieux la menace que fait peser sur eux la CAQ, qui trône au sommet des sondages.
 
Médecins de famille

Le ministre a promis un médecin de famille pour tous les Québécois, dès 2016.
 
Il ne s'agit pas là d'une promesse en l'air, assure-t-il, mais bien d'une nouvelle réalité: la pénurie de médecins sera bientôt chose du passé, au Québec, où on voit déjà poindre, dans certaines spécialités, le phénomène inverse, soit des médecins en trop grand nombre.
 
Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, le ministre Bolduc a fait le point sur la relève chez les omnipraticiens et la formation des Groupes de médecine familiale (GMF), deux solutions identifiées en vue de régler le problème d'engorgement de la première ligne du réseau.
 
D'entrée de jeu, le ministre dira que, contrairement à ce que bien des gens pensent, l'accès à un médecin de famille est un problème à ses yeux pratiquement réglé, qui se résorbera graduellement d'ici 2016.
 
Il est donc faux de prétendre, comme on l'entend souvent, qu'il manque au Québec 1000 omnipraticiens. Le ministre dément aussi la croyance populaire voulant que 2 millions de Québécois ont besoin d'un médecin de famille et n'en trouvent pas. Ce chiffre ne correspond tout simplement pas à la réalité, selon lui.
 
«Les vrais chiffres» indiquent plutôt que pas moins de 75 % des Québécois ont déjà un médecin de famille, soutient Yves Bolduc. Partant de là, son objectif consiste à faire grimper ce pourcentage à 90 % de la population d'ici environ quatre ans, en tenant pour acquis que de toute façon 10 pour cent des gens ne tiennent pas à avoir un médecin de famille.
 
Jocelyne Richer, La Presse canadienne

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