La paix de l'esprit pour 975$

La clinique privée peut se substituer au médecin de famille de l'enfant quand il n'est pas disponible ou carrément le remplacer. La plupart des examens sont gratuits une fois le forfait payé puisqu'ils sont déjà assurés.
Photo: - Le Devoir La clinique privée peut se substituer au médecin de famille de l'enfant quand il n'est pas disponible ou carrément le remplacer. La plupart des examens sont gratuits une fois le forfait payé puisqu'ils sont déjà assurés.

Un médecin à portée de voix sept jours sur sept pour son enfant. Le rêve de bien des parents est devenu concret avec Medisys 123, le premier service de conciergerie pédiatrique au Québec, a appris Le Devoir. Le modèle hybride de santé privé-public lancé en catimini l'automne dernier prend la forme d'un forfait annuel de 975 $ par enfant et ouvre à une multitude de services illimités: des examens de routine aux visites d'urgence en passant par des consultations virtuelles ou du counselling.

Ce service est «une tranquillité d'esprit», résume Marie-France Courtemanche, directrice du service Concierge médical, d'abord joint par Le Devoir sous les traits d'une cliente potentielle. L'assistance téléphonique sept jours sur sept permet de répondre à tous les besoins en aiguillant les parents sur les bonnes procédures à suivre. «Parfois, cela va nécessiter une visite d'urgence. Mais il y a bien des choses qu'on peut régler par téléphone, par courriel ou par Internet. Une photo de l'érythème envoyée sur le Blackberry et le tour est joué.»

Lorsque nécessaire, le service compte sur une équipe de pédiatres et d'infirmières qui peut recevoir les petits patients âgés de 0 à 17 ans à l'une des cliniques du groupe ou à l'hôpital où ces pédiatres pratiquent normalement. «Nous voulons simplifier la vie des parents. Le service de conciergerie comprend donc aussi toute la coordination des soins, la prise de rendez-vous avec les spécialistes, la centralisation de l'information médicale et la course aux résultats», poursuit Mme Courtemanche.

La clinique privée peut se substituer au médecin de famille de l'enfant quand il n'est pas disponible ou carrément le remplacer. La plupart des examens sont gratuits une fois le forfait payé puisqu'ils sont déjà assurés. «Il s'agit d'un modèle hybride entre la santé privée et la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ). Tout ce qui est visite de routine, d'urgence, médicament, consultation en personne, tombe sous la RAMQ. Tout ce qui est autre que les services assurés embarque sur le service de conciergerie: cliniques virtuelles, courriels, counselling, éducation.»

Medisys ne s'en cache pas. Avec cette formule, le groupe veut aider les parents à évoluer plus efficacement au sein du réseau de la santé. Il a donc multiplié les ententes avec des médecins spécialistes de plusieurs horizons, au privé comme au public, de même qu'avec des établissements de santé, principalement avec l'Hôpital de Montréal pour enfants dans le cas présent. Le directeur médical et pédiatre en chef de Medisys 123 est d'ailleurs le Dr Harley Eisman, aussi directeur de l'unité de l'urgence de l'Hôpital de Montréal pour enfants.

La proposition s'inscrit dans une longue série de services offerts depuis plus de deux décennies par Medisys, comme les bilans de santé, le service de conciergerie médicale 24/7, les examens médicaux préemploi ou les services de santé-voyage. Sur Internet, le groupe présente d'ailleurs Medisys 123 comme le «prolongement naturel» de ses services aux entreprises.

Le tout dans un cadre parfaitement légal, en dépit de sa structure hybride privé-public. «C'est une clinique privée, mais on n'est pas dans la zone grise du Canadian Health Care Act. On n'est pas non plus dans celle de la RAMQ, c'est vraiment by the book. Ce qu'on peut faire, on le fait, ce qu'on ne peut pas faire, on ne le fait pas», affirme Mme Courtemanche.

À la RAMQ, on n'est pas aussi affirmatif. Il faut dire que la Régie a justement dans sa mire les cliniques privées qui offrent des block fees, c'est-à-dire des forfaits trimestriels ou annuels comme celui exigé par Medisys 123. Dans une lettre adressée aux médecins et datée du 21 décembre dernier, la Régie dénonçait une augmentation des frais illégaux au Québec. Ce rappel à l'ordre était assorti d'une mise en garde contre les forfaits trimestriels ou annuels.

La Régie n'a aucun problème avec la facturation de frais et services non assurés, comme une consultation téléphonique, par exemple. Mais seulement lorsqu'ils sont facturés à la pièce. La RAMQ considère en effet que «les frais et services non assurés facturés sous la forme d'un forfait, mais qui n'ont pas tous été rendus lors du paiement, sont illégaux».

En théorie, le forfait annuel exigé par Medisys semble s'inscrire dans cette lignée, puisqu'il est offert sous la «forme d'une solution de santé intégrée et ne peut être fractionné en services individuels». Mme Courtemanche affirme au contraire que tout est juridiquement «conforme au manuel de la RAMQ».

La formule a néanmoins attiré l'oeil de la RAMQ, qui «ne peut toutefois pas se prononcer de façon formelle sans avoir tous les éléments en mains», indique son porte-parole, Marc Lortie. «Chose certaine, quand on demande aux gens de payer pour des services qui ne seront pas nécessairement rendus, c'est un forfait et c'est illégal.»

Cette interprétation n'est pas partagée par l'ensemble de la communauté médicale, de l'aveu même de la RAMQ. «Il y a des contestations là-dessus, c'est vrai, mais cette interprétation est documentée par nos services juridiques. C'est notre position officielle et on l'a déjà signifiée dans le dossier de la clinique Élite», rappelle M. Lortie.

La Régie entend d'ailleurs mettre en place des activités de sensibilisation, tant auprès des professionnels que de la population, pour les sensibiliser à la multiplication des frais illégaux. Parmi les modèles qui sont sous sa loupe, on trouve, outre les block fees, tous ces bilans de santé qui, contre un certain montant pouvant aller jusqu'à quelques centaines de dollars, permettent d'accéder à un médecin plus rapidement.

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