L'émotivité absente des liens médecin-patient

«J'ai eu plus de compassion de mon vétérinaire à la mort de mes animaux domestiques que des médecins de mes proches qui sont morts.» C'est par cette constatation pour le moins inquiétante que le Dr Ronald Epstein, de l'Université de Rochester, aux États-Unis, a clos sa présentation sur la présence morale et la conscience en médecine au 18e congrès international sur les soins palliatifs qui se tient jusqu'à demain à Montréal.
«Les médecins sont entraînés pour être objectifs», précise-t-il en entrevue, mais ils n'ont à peu près pas de formation en rapports émotionnels. À cet égard, ajoute-t-il cependant, les médecins formés en soins palliatifs font sans doute exception.Or, seulement de 15 à 20 % de l'ensemble des patients du Québec qui en auraient besoin ont accès, dans les faits, à des soins palliatifs, constate Anna Towers, médecin en soins palliatifs pour le Centre universitaire de santé McGill et présidente du congrès.
Tous les autres patients meurent donc sans soins appropriés, souvent dans des salles d'urgence d'hôpitaux, ou sans assistance adéquate, à la maison, parce qu'ils ne veulent pas se rendre à l'hôpital.
En tout et pour tout, Montréal compte 150 lits pour accueillir des malades dans les unités de soins palliatifs, selon les données du Dr Bernard Lapointe, chef des soins palliatifs au CUSM. Certains hôpitaux n'offrent tout simplement pas ces soins. «Et quand on s'éloigne des centres urbains, c'est encore pire», note-t-il. En matière de soins à domicile, il est la plupart du temps impossible d'obtenir la présence d'un médecin, ne serait-ce que pour une seule visite, constate encore Mme Towers.
Pourtant, des sondages auraient déjà démontré que la mort à la maison serait le premier choix d'une majorité de citoyens. Ces statistiques contiennent cependant des données recueillies auprès de citoyens de tous âges. Lorsque les gens vieillissent, constate M. Lapointe, elles deviennent de plus en plus inquiètes de ne pas avoir le soutien suffisant à la maison pour mourir et préfèrent souvent se rendre à l'hôpital.
Lacunes du système
Ce congrès se déroule alors que la commission parlementaire sur le mourir dans la dignité poursuit ses audiences à travers le Québec, mettant entre autres de l'avant les lacunes dans le système de soins palliatifs.
Le Dr Bernard Lapointe, qui présentera la semaine prochaine un mémoire à la commission, dit ne pas souhaiter de modifications au protocole actuel de soins de fin de vie. Dans l'ensemble de sa pratique, dit-il, seulement un ou deux patients par année lui demandent de mettre fin à leurs jours, en général parce que la médication n'arrive pas à soulager leur souffrance. Selon Yvon Bureau, consultant bénévole pour un mourir digne et libre, cette situation surviendrait dans 5 % des cas. À ce moment-là, poursuit le Dr Lapointe, la sédation palliative est un moyen approprié pour calmer les souffrances.