Somnifères et anxiolytiques accroissent le risque de mortalité

La consommation de somnifères et d'anxiolytiques serait loin d'être dénuée de danger. Elle augmenterait significativement le risque de mortalité, et ce, particulièrement chez les personnes âgés de plus de 55 ans, comme l'affirme une étude publiée aujourd'hui dans la Revue canadienne de psychiatrie.
La chercheuse Geneviève Belleville, de l'École de psychologie de l'Université Laval, voulait savoir si la consommation de médicaments pour traiter l'insomnie ou l'anxiété, comme le somnifère zopiclone (nom commercial: imovan) et les anxiolytiques lorazépam (ativan) et diazépam (valium), augmentait la mortalité. Pour mener son enquête, elle a analysé les données recueillies pendant 12 ans, de 1994 à 2007, auprès de 14 000 Canadiens âgés de 18 à 102 ans, dans le cadre de l'Enquête nationale sur la santé de la population réalisée par Statistique Canada. Elle a comparé le taux de mortalité des individus qui avaient consommé au moins une fois au cours du dernier mois des somnifères ou des anxiolytiques à celui des personnes qui n'en avaient pas absorbé.Il est ainsi apparu que les individus ayant déclaré avoir fait usage de ces médicaments présentaient un taux de mortalité de 15,7 %, tandis qu'il ne dépassait pas 10,5 % chez ceux qui n'en avaient pas utilisé. Après avoir éliminé l'effet de facteurs ayant une incidence sur la mortalité, comme certaines maladies chroniques graves, la consommation d'alcool et de tabac, le manque d'activité physique ainsi que de faibles revenu et niveau de scolarité, elle a calculé que la prise de somnifères et d'anxiolytiques augmentait le risque de mortalité de 36 %. Une augmentation importante à prendre en considération, affirme la chercheuse, compte tenu que de trois à six pour cent de la population canadienne consomme des sédatifs et que, parmi les aînés, la proportion atteint 20 %. «Les risques de mortalité associés aux sédatifs étaient les plus élevés au sein de la population âgée de 55 à 75 ans. C'est alarmant!», souligne-t-elle.
L'analyse de la banque de données de Statistique Canada a également révélé que les sédatifs accroissent particulièrement le risque de mortalité chez les personnes atteintes de cancer, d'une maladie du système circulatoire, telle que l'hypertension ou un accident vasculaire cérébral, et d'une maladie du système respiratoire, comme l'emphysème, la bronchite chronique et l'asthme.
À la recherche d'hypothèses pour expliquer l'accroissement du risque de mortalité par la consommation de sédatifs, la chercheuse a relevé, dans la littérature scientifique, des études montrant que ces médicaments, probablement «parce qu'ils diminuent le temps de réaction, la vigilance et la coordination», augmentent le risque d'un accident de voiture et, chez les personnes âgées, d'une fracture de la hanche due à une chute. Ayant «un effet inhibiteur sur le système respiratoire», ils aggraveraient aussi les symptômes de l'apnée du sommeil. Et, comme ils agissent «sur le système nerveux central, ils pourraient altérer le jugement et ainsi accroître les risques de suicide», avance-t-elle.
Mme Belleville espère que ces résultats inciteront médecins et citoyens à privilégier des moyens non pharmacologiques pour traiter les problèmes d'anxiété et d'insomnie. «Il a été démontré que les thérapies comportementales cognitives sont efficaces, voire plus efficaces que la médication, et donnent des résultats à long terme plus intéressants que la médication. Dans certains cas, comme en situation de crise ou lorsque les symptômes sont très sévères et empêchent la poursuite d'une psychothérapie, on n'a pas d'autre choix que d'avoir recours aux médicaments, et c'est correct de le faire. Mais il faudrait toujours considérer la médication comme un moyen de gestion à court terme des difficultés du sommeil et de l'anxiété. À moyen et long terme, il faudrait plutôt se tourner vers les psychothérapies», croit-elle.