Des experts scruteront les soins intensifs

À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, le docteur Stephen Ahern et son équipe réanimaient en 2008 une patiente qui venait d’arriver aux soins intensifs.
Photo: - archives À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, le docteur Stephen Ahern et son équipe réanimaient en 2008 une patiente qui venait d’arriver aux soins intensifs.

La mise sur pied d'un groupe d'experts en soins intensifs par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a été accueillie favorablement. Ils attendaient toutefois cette annonce il y a plus de trois ans.

Les intensivistes «en général, saluent» la création du groupe d'experts, a fait valoir le pneumologue intensiviste à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal Patrick Bellemare. «La mise en place de ce comité-là est attendue depuis très très longtemps par la communauté de soins intensifs», a-t-il affirmé au Devoir.

Le médecin spécialiste avait sonné l'alarme, en 2007, faisant face à une pénurie de lits aux soins intensifs causée entre autres choses par des ressources infirmières insuffisantes. «Les ressources québécoises sont nettement insuffisantes. C'est un fait qui est connu du ministère depuis assez longtemps, et qui est devenu beaucoup plus évident avec la pandémie [de grippe] A(H1N1) l'automne dernier.»

Le groupe d'experts sera formé d'une poignée de «professionnels, savants» (cinq ou six), a indiqué Karine Rivard, l'attachée de presse du ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc. «Il ne s'agit pas d'un comité de gestion de crise», a-t-elle ajouté.

Son mandat consistera à «formuler des recommandations sur les meilleures façons d'améliorer la qualité et l'accessibilité des unités de soins intensifs du Québec, qui sont soumises à d'importantes contraintes», a expliqué par voie de communiqué Yves Bolduc.

Le président de la Société des intensivistes du Québec, le Dr Martin Légaré, tiendra les rênes du groupe d'experts en soins intensifs.

Une longue attente


«Ça fait longtemps qu'on demande ça», a lancé le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, Gaétan Barrette. «L'exercice est utile, parce que dans les soins intensifs au Québec, on a des problèmes de coordination entre les soins intensifs, ainsi qu'entre les hôpitaux qui sont chroniques. Qu'on finisse par avoir un comité d'experts qui va s'adresser à la problématique et faire des recommandations, c'est une bonne nouvelle», s'est-il contenté d'affirmer, hier.

La pénurie d'infirmières et le sous-financement des unités de soins intensifs constituent le noeud du problème. Ils en occultent toutefois bien d'autres. «Dans notre hôpital, on a les ressources humaines nécessaires pour ouvrir davantage qu'actuellement, mais il y a un problème de financement qui nous empêche de le faire», a fait remarquer Patrick Bellemare.

À l'hôpital Sacré-Coeur de Montréal, 22 patients étaient hospitalisés, hier, aux soins intensifs, alors que l'unité compte 34 lits. Toutefois, faute d'un financement suffisant, guère plus de patients peuvent être admis.

L'intensiviste appelle de tous ses voeux que l'initiative du MSSS porte ses fruits à court terme. «Les dernières fois qu'on a eu des contacts avec le ministère, il n'y a pas eu beaucoup de résultats concrets», s'est-il désolé. «On espère que cette fois-ci, ce sera différent.»

Le porte-parole de l'opposition officielle en matière de Santé, Bernard Drainville, n'a «pas [été] impressionné» par l'annonce du ministre Yves Bolduc, l'exhortant à appliquer sans tarder un train de mesures afin de faciliter le travail des médecins et des infirmières dans les unités de soins intensifs des hôpitaux. Un groupe de travail avait été mis sur pied, en 2007, dans la foulée de la diffusion d'un reportage à l'émission d'affaires publiques Enjeux, a-t-il rappelé. «Plutôt que de créer un autre comité, [le ministre] devrait prendre le rapport du premier groupe de travail, qu'il a reçu après le reportage de 2007, et mettre en oeuvre les mesures qui y sont contenues», a déclaré M. Drainville.

Le taux d'occupation, dans les unités de soins intensifs de la région métropolitaine, oscillait, hier, autour de 70 %, selon l'Agence de la Santé et des Services sociaux de Montréal. Les centres hospitaliers abritent un peu plus de 380 lits. Toutefois, sur les 360 lits qui étaient disponibles, hier, 270 étaient occupés par un patient.

La pandémie de grippe A(H1N1) moins virulente que celle à laquelle le secteur de la santé s'était préparé, conjuguée à une baisse des accidents de la route, a permis d'éviter le pire au cours des derniers mois, selon le Dr Bellemare. «On a été relativement chanceux», a-t-il conclu.

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