Santé: la loi est bafouée, disent les médecins

Le système de santé craque de partout: pire, il enfreint carrément la Loi canadienne sur la santé, avertit l'Association médicale canadienne (AMC). Les médecins demandent que la loi soit «réexaminée» et «modernisée» afin de garantir l'accessibilité aux soins, le tout accompagné d'une «réforme de toute urgence» d'un système dont la pérennité même est menacée.
«Quand on attend 15 heures à l'urgence ou plusieurs mois pour des examens, on n'appelle plus ça de l'accessibilité», dénonce le vice-président de l'AMC, le Dr Robert Ouellet. Les délais contreviennent au principe d'accessibilité énoncé dans la Loi canadienne sur la santé, avance le rapport de l'AMC publié hier: «Ni l'esprit ni la lettre des principes fondateurs de l'assurance maladie ne sont respectés, peut-on lire dans La Transformation des soins de santé au Canada. Notre système ne respecte pas les cinq grands principes établis à l'origine de la loi», soit universalité, accessibilité, transférabilité, intégralité et administration publique. Entre autres critiques, l'association, qui compte 72 000 membres, estime qu'un facteur «accès en temps opportun» devrait élargir la loi.«Le système ne répond plus aux besoins des patients, constate le Dr Ouellet. Les efforts qui sont faits sont insuffisants. Ça prend une solution globale. Arrêtons de nous contenter d'éteindre les feux!»
Pendant que les patients «attendent», les professionnels de la santé «se sentent surmenés et découragés», écrit l'AMC.
Repenser le financement... comme au Québec?
Le «Canada n'utilise pas de façon optimale les ressources financières» en santé, constate l'AMC, qui demande une réflexion sur le financement.
Par la bande, l'AMC salue les initiatives mises de l'avant par le gouvernement Charest. «Québec [est la première province] à reconnaître que la façon actuelle de financer les soins de santé n'est ni viable ni équitable pour les générations futures, et à annoncer des mesures pour corriger la situation», peut-on lire dans le rapport.
Dans son dernier budget, le ministre des Finances Raymond Bachand proposait une «contribution santé» à taux fixe de 200 $ par année ainsi qu'une «franchise santé», montant annuel variant selon l'utilisation des services. Des mesures vertement critiquées par l'opposition et divers groupes inquiets des effets sur les familles les moins nanties.
Sans approuver les mesures du budget Bachand «dans le détail», Robert Ouellet s'enthousiasme pour «ce principe qui sort des sentiers battus». «Je ne dis pas que c'est la bonne solution, mais on ne peut pas continuer à augmenter le budget de la santé au détriment de toutes les autres sphères.» Il se dit ouvert au principe de la «franchise santé» payable selon l'utilisation des services. «Il faut justement en discuter, on ne donne pas les solutions, mais on dit qu'il faut regarder toutes les options», ajoute-t-il en précisant que les mesures ne doivent jamais empêcher un patient d'accéder aux soins pour des questions financières.
Il ajoute qu'on ne peut continuer à fermer les yeux sur la présence du privé, dont le système doit «se servir» tout en évitant que les délais amènent des patients à «payer de leur poche».
Quelques solutions
Bien que l'AMC appelle surtout à une ouverture du dialogue sur le système de santé, elle propose quelques pistes de solution. L'informatisation des dossiers «est un problème urgent» pour le Dr Ouellet. «Au Danemark, on peut même prendre rendez-vous par Internet», dit-il pour illustrer le retard canadien en la matière.
L'établissement d'un financement des hôpitaux basé sur l'activité, plutôt que sur des budgets globaux, est également mis de l'avant, comme la construction d'établissements de soins de longue durée et l'augmentation du nombre d'admissions en médecine.