Dépression, anxiété et maladie bipolaire - Enceinte, doit-on abandonner sa médication?

De nombreuses femmes enceintes qui souffrent de dépression, de trouble d'anxiété ou de maladie bipolaire se retrouvent devant un grand dilemme. Doivent-elles poursuivre le traitement de leur maladie ou l'interrompre durant leur grossesse? Les experts s'entendent pour dire que l'arrêt d'un traitement risque d'engendrer la résurgence de la maladie, qui s'avérera généralement aussi néfaste sinon plus pour l'enfant que le traitement lui-même.

«C'est une erreur d'arrêter un traitement aux antidépresseurs pendant la grossesse dans le but de protéger l'enfant à naître, car alors le risque de dépression post-partum sera beaucoup plus élevé», a affirmé le psychiatre Martin St-André dans le cadre du symposium Médicaments et grossesse, qui avait lieu jeudi au CHU Sainte-Justine.

La Dre Anick Bérard, directrice de l'Unité de recherche sur les médicaments et la grossesse au CHU Sainte-Justine, a précisé que la paroxétine (ou Paxil), l'antidépresseur qui était jusqu'à récemment le plus couramment prescrit, est associée à un risque significatif de malformation cardiaque chez le bébé. «Les femmes dépressives, qui représentent 14 % des femmes enceintes, doivent néanmoins être traitées, a insisté la Dre Bérard. Il faut tout simplement changer de pharmacothérapie et, heureusement, il existe tout un éventail d'autres antidépresseurs. En arrêtant le traitement, on nuit au bébé, car une mère dépressive aura un mode de vie délétère. Elle fumera, boira de l'alcool, ne s'alimentera pas bien, autant de comportements néfastes pour le foetus.»

Le lithium, médicament par excellence pour traiter la maladie bipolaire, est susceptible d'engendrer des malformations congénitales. Pour cette raison, on doit suspendre son usage jusqu'à ce que l'organogenèse — la formation des organes — soit terminée, soit après la 12e semaine, ou avoir recours à un autre antipsychotique moins dommageable.

Bien que les benzodiazépines, tel que le Valium, ne soient pas reconnues comme tératogènes, «les femmes qui les consomment dans le but de soulager des insomnies, de l'anxiété ou des migraines ont souvent un comportement tératogène», commente la Dre Bérard, qui soutient que beaucoup trop de femmes se font prescrire ces médicaments sans en avoir véritablement besoin.

Le Dr Robert Brent, de l'Université Thomas Jefferson à Philadelphie, a souligné qu'au cours de la grossesse, la période comprise entre la 22e et la 35e journée suivant la conception, au cours de laquelle a lieu le développement des différents organes, est une phase critique où le foetus est particulièrement vulnérable aux effets tératogènes de certains médicaments, qui peuvent alors induire des malformations congénitales.

«Par contre, les neuf premiers jours suivant la conception, alors que la femme ne sait pas encore qu'elle est enceinte, l'embryon n'est alors composé que de cellules souches et les dommages qu'il peut subir ne sont pas susceptibles d'entraîner des malformations congénitales. L'embryon est par contre très sensible aux effets létaux des médicaments ou des produits chimiques comme l'alcool. Une femme qui se soûle durant cette toute première phase de la grossesse peut perdre son bébé. Il s'agit de la période du tout ou rien: les médicaments tueront l'embryon ou, s'il survit, il se développera aussi bien que n'importe quel autre embryon, car ses cellules sont omnipotentes, elles ont un formidable pouvoir de régénération», a précisé le Dr Brent.

Durant les deuxième et troisième trimestres, une femme qui consomme des doses très élevées de substances potentiellement toxiques pourra faire du tort au foetus, mais celui-ci ne souffrira pas de malformations anatomiques, a poursuivi le spécialiste. «Le cerveau pourra être affecté au point d'engendrer un retard mental car, si des cellules nerveuses meurent entre la 8e et 15e semaine, elles ne pourront être remplacées», a-t-il expliqué.

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