L'avortement était à l'ordre du jour hier. À Montréal, les délégués de l'Association médicale canadienne ont signifié leur appui massif au maintien des services d'interruptions de grossesse, pendant qu'une manifestation d'opposition à l'entrée du Dr Henry Morgentaler au sein de l'Ordre du Canada se déroulait à Ottawa.

Réunis en séance plénière hier, 88 % des quelque 300 médecins participant aux assises annuelles de l'Association médicale du Canada ont donné leur appui à une résolution qui rend officielle «l'opposition de l'AMC au projet de loi C-484 et à toute législation qui aurait pour effet de compromettre l'accès à des services médicaux d'interruption de grossesse».

La résolution a été soumise aux médecins actifs dans toutes les provinces canadiennes par deux représentants de l'aile québécoise, le Dr Paul Robinson, un médecin généraliste de Gatineau spécialisé en santé mentale, et le Dr Jean-François Lajoie, interniste au Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke.

«En affirmant qu'il est criminel de tuer l'enfant à naître, le projet de loi C-484 ouvre la porte à la négation du droit des femmes à contrôler leur corps. Si on définit le foetus comme une personne, on brime ce droit pour la femme qui le porte. Mon approche repose sur ma conviction que toute personne, peu importe son sexe, a le droit de contrôler son corps. Ce n'est pas une prise de position pour ou contre l'avortement», a expliqué le Dr Robinson, qui a aussi tenu à préciser qu'il se préoccupe depuis de nombreuses années des enjeux éthiques de la médecine.

«Un vote contre le projet de loi C-484 n'est pas une prise de position favorable à l'avortement de la part de l'AMC», a également tenu à faire remarquer son nouveau président, le Dr Robert Ouellet. «Nous [la direction de l'AMC] avons fait préparer un avis juridique sur ce projet de loi. Les avocats que nous avons consultés concluent que si ce projet de loi était adopté, il pourrait ouvrir la porte à des poursuites criminelles contre les médecins qui pratiquent des avortements. L'AMC s'oppose et s'opposera à toute politique qui a comme résultat de faire des médecins des criminels», a-t-il indiqué.

Le projet de loi C-484, piloté par le député conservateur Ken Epp (Edmonton-Sherwood Park), a été adopté par la Chambre des communes en mars dernier par la marque de 147 à 132. Presque tous les conservateurs présents avaient voté en sa faveur, à l'exception des ministres Josée Verner, Lawrence Cannon, Gordon O'Connor et de la députée du Québec Sylvie Boucher. Les bloquistes ont voté contre, comme les néo-démocrates (sauf un). Si le projet de loi a finalement été adopté, c'est que 27 libéraux ont voté avec le gouvernement. Le projet de loi doit encore passer toutes les étapes parlementaires, notamment l'étude en comité. Cela pourrait donc prendre encore plusieurs mois avant que ce projet de loi, qui reconnaît les «enfants encore non-nés» comme des victimes à part entière lorsqu'une femme enceinte est attaquée, n'ait force de loi.



Morgentaler attise encore les passions

Au moment même où le président de l'AMC tenait ces propos, une trentaine de personnes, des femmes pour la plupart, ont manifesté à Ottawa hier midi, à la résidence de la gouverneure générale du Canada, pour contester l'octroi de l'Ordre du Canada au médecin avorteur Henry Morgentaler. Elles étaient venues déposer une pétition contenant, à leurs dires, 30 000 signatures, et demandant que le prestigieux titre lui soit retiré. Personne de l'entourage de Michaëlle Jean ne s'est déplacé pour recevoir la pétition.

«Pourquoi ce silence?» s'est demandé une des organisatrices de l'événement, Angelina Steenstra, coordonnatrice du mouvement Silent no more. Mme Steenstra estime que les personnes controversées ne devraient pas recevoir l'Ordre du Canada. «Un simple test devrait être appliqué: une garderie ou une école devrait pouvoir porter le nom du récipiendaire. Peut-on imaginer une garderie Henry Morgentaler? Une école primaire Henry Morgentaler?»