Grippe aviaire - Un pas de plus vers un vaccin «universel»

Nouvelle arme dans le combat contre la grippe aviaire. Des chercheurs américains ont mis au point une façon de vacciner à l'ADN qui, parce qu'elle offre une vaste protection contre diverses souches du virus, permettrait de lutter beaucoup plus efficacement contre une éventuelle pandémie.
«C'est la première étude démontrant qu'un seul vaccin à l'ADN peut induire une protection contre des souches de grippe chez plusieurs animaux, y compris les primates», a affirmé David Weiner, professeur en pathologie et médecine de laboratoire à l'Université de la Pennsylvanie, qui a fait ses expériences sur des macaques, des souris et des furets. Après des tests de non-toxicité chez les animaux, cette nouvelle méthode de vaccination, qui distribue le vaccin par l'entremise de l'ADN synthétique — le matériel héréditaire qui contient les instructions génétiques pour le développement et le fonctionnement de tout être humain —, sera soumis à une étude clinique en trois phases pour prouver son innocuité chez les humains.Jusqu'ici, les vaccins traditionnels n'ont fait qu'agir sur un front, en aidant à la production des anticorps, qui s'attaquent aux protéines situées en surface du virus susceptibles de subir des mutations. En revanche, un vaccin à l'ADN synthétique permet aussi d'atteindre les protéines internes et d'induire une réponse dite cellulaire, un processus au cours duquel une armée de cellules est dépêchée sur les lieux de l'infection pour y éliminer directement les cellules infectées. Le vaccin à l'ADN s'intègre ainsi à la cellule, lui donnant la «recette» dont elle a besoin pour produire des antigènes qui pourront justement susciter une réponse cellulaire qui s'attaquera aux diverses souches de la grippe.
«Le problème est de trouver un moyen pour que l'ADN se rende au noyau de la cellule pour produire des protéines [appartenant au pathogène]», a indiqué Denis Leclerc, virologue au Centre de recherche en infectiologie de l'Université Laval, qui travaille lui aussi au développement d'un tel vaccin «universel».
Les chercheurs de l'Université de la Pennsylvanie ont pour leur part tenté d'administrer le vaccin par l'électroporation. Ce procédé par lequel on émet de petits chocs électriques permet de créer une porosité dans le muscle, soit de petits trous qui se referment très vite. L'ADN peut ainsi traverser les deux membranes de la cellule et y entrer plus facilement. Si on y associe une cible, soit une protéine appartenant au pathogène, la réponse immunitaire sera alors dirigée contre cette cible et donc contre les cellules infectées par ce pathogène.
Une longue préparation au combat
Le virus de la grippe aviaire est rusé. Non seulement peut-il causer la mort, mais il peut également se muter très rapidement en d'autres souches qui échappent à la réponse immunitaire que fournissent les vaccins traditionnels. Il est facile de se tromper en tentant de prédire quelle souche sera responsable du virus de la grippe commune. L'an dernier, le vaccin n'avait d'ailleurs fonctionné qu'a 30 %. Mais alors que les virus de l'influenza ne se transmettent qu'au sein d'une même espèce, 385 cas humains du virus H5N1, détectés chez les oiseaux, avaient été répertoriés dans 15 pays. Parmi ces cas, 243 s'étaient avérés mortels.
Selon Denis Leclerc, il est important de continuer à soutenir la recherche de vaccins. «Étonnamment, il y a peu de chercheurs qui travaillent sur la grippe. On semble croire qu'il y a des vaccins à profusion», a-t-il constaté.
Au ministère de la Santé et des Services sociaux, on assure que la grippe aviaire demeure une «préoccupation». «Les travaux se poursuivent et on a des comités à différents niveaux dans chacun des volets du plan d'action», a indiqué Hélène Gingras, porte-parole du ministère. Elle ajoute que des compagnies pharmaceutiques ont déjà conclu des ententes avec le gouvernement fédéral pour produire une manne de vaccins lorsque la souche pandémique sera connue.
«Personne ne met au défi les compagnies pharmaceutiques et elles ont déjà le marché, alors pourquoi chercheraient-elles à améliorer le vaccin? Ça va plutôt venir de l'innovation dans les biotechnologies comme les nôtres, mais on aura besoin de gros joueurs pour financer nos études cliniques», a conclu Denis Leclerc.