Henry Morgentaler décoré de l'Ordre du Canada - Des militants pro-vie manifestent devant la résidence de la gouverneure générale
Ottawa — La nomination d'Henry Morgentaler à l'Ordre du Canada continue de faire des vagues, alors que 350 manifestants se sont rassemblés hier devant Rideau Hall, la résidence de la gouverneure générale, pour protester contre l'honneur qui lui sera attribué. Au Nouveau-Brunswick, un autre récipiendaire de l'Ordre du Canada, Gilbert Finn, l'ancien lieutenant-gouverneur de cette province entre 1987 et 1994, a indiqué qu'il retournera sa médaille pour démontrer son désaccord.
Il semble toutefois que ce mouvement de protestation soit minoritaire au Canada, selon un sondage Ipsos-Reid réalisé pour le compte de la chaîne CanWest. Près de 65 % des répondants se sont dits favorables à la nomination d'Henry Morgentaler à l'Ordre du Canada. Ils sont 35 % à s'opposer à cet honneur.Au Québec, l'appui atteint 72 %, un sommet au pays. L'Ontario appuie cette nomination à 69 %, suivi par la Colombie-Britannique, à 61 %. L'appui est toutefois plus tiède en Alberta (54 %), dans les provinces atlantiques (52 %) et dans les deux provinces des Prairies (51 %). Sans surprise, les femmes et les jeunes appuient fortement la remise de l'Ordre du Canada au Dr Morgentaler, 85 ans, qui a passé sa vie à défendre le libre choix des femmes en matière d'avortement.
«Toutes les provinces, sans exception, appuient la nomination d'Henry Morgentaler», explique au Devoir John Wright, vice-président d'Ipsos-Reid. Il rappelle toutefois que l'avortement est un enjeu moral sensible et qu'il est donc normal que l'appui soit plus tiède dans certaines provinces. «Certaines régions réagissent un peu plus négativement et on remarque que ce sont des endroits où la religion est plus présente», dit-il.
Selon John Wright, les opposants à cette nomination — qui incluent le premier ministre Stephen Harper — sont en réalité une minorité, aussi bruyante soit-elle. «Avec 65 % d'appuis, c'est assez solide», dit-il. Le sondage a été réalisé en ligne du 4 au 7 juillet auprès de 1023 personnes et renferme une marge d'erreur de 3,1 %, 19 fois sur 20.
Des protestations
L'Ordre du Canada est décerné par un comité indépendant présidé par la juge en chef de la Cour suprême, Beverley McLachlin. C'est la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, qui remet la distinction lors d'une cérémonie spéciale.
Environ 350 manifestants se sont d'ailleurs rassemblés hier devant la résidence de Michaëlle Jean, l'enjoignant de ne pas remettre l'honneur à M. Morgentaler. Fait rare, les portes métalliques à l'entrée de Rideau Hall sont demeurées fermées hier pour éviter tout dérapage.
Le député conservateur de Glengarry-Prescott-Russell, dans l'est ontarien, Pierre Lemieux, était présent «au nom de plusieurs de [ses] collègues», a-t-il dit. Selon lui, il faut respecter les «10 millions de personnes au Canada qui s'opposent à cette nomination».
En guise de protestation, un prêtre catholique de la Colombie-Britannique, Lucien Larre, a rendu la semaine dernière l'Ordre du Canada qu'il avait reçu il y a 25 ans.
Mardi, c'était au tour de la communauté catholique Madonna House de Combermere, en Ontario, dont la fondatrice a reçu l'Ordre du Canada en 1976, de retourner symboliquement la médaille honorifique. La fondatrice, Catherine de Hueck Doherty, est morte en 1985.
Hier, l'ancien lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, Gilbert Finn, 87 ans, s'est mis de la partie. «Je ne suis pas prêt à être membre d'une organisation avec le docteur Morgentaler. Ce n'est pas l'idéal que je me suis fait de l'Ordre du Canada. Je crois que cette distinction perd de la valeur», a-t-il affirmé de sa résidence de Dieppe. Le jour où M. Morgentaler recevra son honneur, il remettra le sien, a-t-il promis. Cette date n'est pas encore connue. Les groupes féministes du Nouveau-Brunswick ont condamné l'attitude de M. Finn, estimant que la bataille du Dr Morgentaler pour le droit des femmes à l'avortement doit être soulignée.
Une porte-parole de la gouverneure générale, Lucie Caron, a soutenu hier que les récipiendaires de l'Ordre du Canada ont tout à fait le droit de remettre leurs médailles s'ils le désirent. «Les gens peuvent exprimer leur opinion comme ils le veulent», a-t-elle dit. Les médailles sont entreposées dans un lieu sûr, à Rideau Hall.
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Avec La Presse canadienne