Un test sanguin pourrait remplacer l'amniocentèse

À l'heure actuelle, l'amniocentèse est la seule méthode de diagnostic prénatal qui permet de confirmer avec certitude si le foetus que porte une femme enceinte souffre d'aberrations chromosomiques ou d'autres anomalies génétiques. Cette procédure relativement invasive présente toutefois des risques, dont celui d'avortement. Un chercheur de l'Université de Sherbrooke s'applique actuellement à mettre au point un test sanguin pratiqué chez la future maman qui permettrait de diagnostiquer avec autant de fiabilité que l'amniocentèse les grandes maladies génétiques dont peut être atteint le foetus, avec l'avantage de ne comporter aucun risque pour la grossesse.
Ce test sanguin vise à récolter les cellules foetales qui se retrouvent dans le sang de la mère, explique le généticien Régen Drouin de l'Université de Sherbrooke qui travaille à ce projet prometteur. En disposant de cellules foetales, il deviendra ainsi possible de vérifier l'état de leur bagage génétique afin d'y détecter des anomalies chromosomiques susceptibles de provoquer des maladies graves.Actuellement, les femmes enceintes peuvent subir vers la douzième semaine de grossesse deux tests de dépistage qui les informeront de l'importance du risque qu'elles courent de donner naissance à un enfant anormal. L'un de ces tests vise à évaluer par échographie l'épaisseur de la nuque du foetus (la clarté nucale) et, le second, par le biais d'une prise de sang chez la mère, mesure des hormones produites par le placenta. Combinées à diverses autres données comme l'âge de la mère et le stade de la grossesse, les valeurs obtenues à ces deux tests permettent de déterminer le risque d'anomalie du foetus. «Il ne s'agit toutefois que de tests de dépistage et non pas de tests diagnostiques comme celui sur lequel nous travaillons, souligne Régen Drouin. Grâce à notre test diagnostique, moins de cas anormaux nous échapperont et, surtout, il nous permettra d'éliminer l'amniocentèse. Tandis que lorque ces tests de dépistage [de la clarté nucale et la prise de sang mesurant des hormones] annoncent un risque élevé d'anomalies, il faut nécessairement pratiquer une amniocentèse, et la grande majorité d'entre elles sont normales. Actuellement, pour chaque cas de trisomie 21 qui est dépisté, il y aura environ 85 amniocentèses normales. De plus, parfois, bien que le risque annoncé par les tests de dépistage soit faible, l'enfant que porte la mère est néanmoins trisomique.»
L'amniocentèse consiste à prélever un échantillon du liquide amniotique dans lequel baigne le foetus. La procédure présente un risque non négligeable de fausse couche, mais aussi de fuite de liquide amniotique, de rupture prématurée des membranes et de mort du foetus dans l'utérus.
Cette méthode de diagnostic prénatal se fonde sur l'analyse des cellules du foetus qui flottent dans le liquide amniotique, explique M. Drouin. «Or ces mêmes cellules passent aussi dans le sang de la mère. On en compte de deux à six par millilitre de sang maternel dans les grossesses normales. Pour procéder à notre test, nous prélèverons 20 ml de sang chez la mère, ce qui est très peu, et ensuite nous éliminerons les cellules maternelles afin de concentrer les cellules foetales.».
L'analyse génétique de ces cellules foetales permettra de déceler des anomalies non seulement au niveau des chromosomes sexuels mais aussi des autres, dont notamment les 21e, 18e et 13e paires de chromosomes qui, lorsqu'elles sont affublées d'un chromosome surnuméraire, entraînent la trisomie 21 (ou syndrome de Down), la trisomie 18 (ou syndrome d'Edwards) et la trisomie 13. «On pourra aussi déterminer le groupe sanguin de l'enfant, du moins déterminer s'il est positif ou négatif, et détecter certaines maladies génétiques comme la fibrose kystique», ajoute le chercheur.
À quel moment de la grossesse, ce test serait-il proposé? «Il y a des évidences selon lesquelles il y aurait des cellules foetales qui passeraient dans le sang de la mère dès la cinquième ou la sixième semaine de grossesse. Il y en aurait assurément à la huitième semaine», affirme Régen Drouin. Mais le chercheur prévoit de vérifier cette hypothèse auprès de femmes chez lesquelles on aura implanté des embryons obtenus par fécondation in vitro à une date précise et connue.
Selon ses estimations, Régen Drouin s'attend à observer un maximum de cellules foetales dans le sang maternel vers la 13e ou la 14e semaine. «Si on confirme que le pic de cellules foetales survient bien vers la 13e semaine, notre test pourrait avoir lieu à ce moment crucial», affirme le généticien. Le test aura donc l'avantage de pouvoir être pratiqué plus tôt que l'amniocentèse, qui est rarement effectuée avant la 15e semaine. Bien que la biopsie de placenta (ou de villosités chroriales), une autre méthode de diagnostic prénatal, puisse être effectuée à partir de la 10e semaine de grossesse, elle est invasive et peut conduire à une interruption de grossesse, comme dans le cas de l'amniocentèse, prévient le spécialiste.
À l'heure actuelle, Régen Drouin est en mesure d'affirmer qu'on peut trouver des cellules foetales chez toutes les femmes enceintes. De plus, il arrive à distinguer les cellules foetales de celles de la mère et à différencier les normales des anormales. «Les cellules qui contiennent un chromosome Y, typique des individus de sexe masculin, appartiennent nécessairement au foetus et non à la mère, qui n'en possède pas [puisque ses chromosomes sexuels sont deux X]. Des cellules trisomiques 21 [où la 21e paire de chromosomes comprend un chromosome supplémentaire] aussi ne peuvent que provenir du foetus puisque la mère ne souffre pas de trisomie 21. Reste à vérifier certaines hypothèses, dont celle voulant que le nombre de cellules foetales qui passent dans le sang maternel soit plus élevé quand le foetus est anormal», explique-t-il.
Ce test diagnostique, dont la procédure est toute simple et sans conséquence sur la grossesse, pourrait être disponible au cours des prochaines années. «Tout dépendra du financement que nous obtiendrons pour mener à bien le projet qui en est à la phase de validation en clinique. Mais ce financement tarde à venir. Si nous disposons des fonds nécessaires, le test sera disponible en clinique dans cinq ans», assure le chercheur.