Crise au CHUM - Les urgentologues ont besoin de sang neuf

Avec 12 urgentologues en moins dans ses trois services d'urgences, l'administration du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) peine à assurer tous ses quarts de garde. Au point où certains urgentologues n'hésitent plus à réclamer la fermeture de l'un des trois services. Un pas que le CHUM n'est pas prêt à franchir, a prévenu son directeur général, Denis R. Roy, qui invite ses troupes à se «serrer les coudes»

Interrogé en matinée sur le climat d'insatisfaction qui règne dans les rangs des urgentologues du CHUM, le ministre Philippe Couillard a renvoyé la balle aux administrateurs de l'établissement, visiblement agacé de voir cette affaire rebondir dans les médias. À ses yeux, il s'agit moins d'un manque de ressources que d'un problème de gestion interne. Maintenant, il faut savoir pourquoi, a poursuivi le ministre, qui soupçonne un climat de travail difficile «qui fait que les médecins ne désirent pas se présenter pour travailler».

Au centre de la controverse qui dure depuis plusieurs mois, la décision du CHUM de combler ses quarts de garde vacants en demandant à ses urgentologues d'aller travailler sur un autre site que celui auquel ils sont attachés. Présentement, seul le site de l'hôpital Notre-Dame peut compter sur une équipe complète. Or, ses urgentologues refusent d'aller dépanner à l'hôpital Saint-Luc ou à l'Hôtel-Dieu pour ne pas mettre à découvert leurs collègues de Notre-Dame.

Parmi ceux-là, certains se sont même prononcés en faveur de la fermeture des services d'urgence de Saint-Luc, de manière à pouvoir assurer aux deux autres sites un service continu et optimal. Mais avec 115 000 patients par année qui passent par ses urgences, le CHUM ne peut tout simplement pas faire l'économie d'un de ses services, a réaffirmé hier le Dr Roy.

Ce dernier aura toutefois fort à faire pour pacifier le climat de travail alors que les prochains mois s'annoncent encore plus difficiles. En tout, le calendrier du CHUM affiche 160 gardes à découvert. Une situation qui affecte particulièrement l'hôpital Saint-Luc, déjà passablement éprouvé. «L'administration nous a laissés à découvert depuis le 1er décembre. Elle a mis la qualité des soins à Saint-Luc en péril et nous a mis, les médecins d'urgences, en péril. C'est irresponsable d'avoir toléré cette situation», racontait hier le Dr Alain Brissette à La Presse.

En conférence de presse, le Dr Roy a déclaré au contraire avoir intensifié ses efforts de recrutement. «Nous allons nous en sortir, et la tête haute», a-t-il promis, affirmant avoir donné le coup d'envoi à une révision des modes de fonctionnement des trois sites. Jusqu'à présent toutefois, les recrues se font rares, a dû admettre le Dr Charles Bellavance, directeur des services professionnels. Depuis l'été dernier, seule une nouvelle recrue a été engagée tandis que deux autres ont été approchées à l'étranger et font présentement l'objet de demandes de parrainage.

Or, pour que les trois sites roulent à plein régime, il faudrait recruter entre sept et neuf urgentologues. Un défi de taille en ces temps de pénurie, «où les urgentologues ne s'impriment pas comme des billets verts», a rappelé le Dr Roy. «Des contacts ont été faits avec nos collègues du RUIS, du ministère et de l'Agence [de Montréal]. Mais il faut savoir que la pénurie est partout et que le recrutement est difficile pour tout le monde.»

À l'Agence de santé et de services sociaux de Montréal, on confirme que la pénurie frappe en effet partout sur l'île. «Mais il semble que les problèmes éprouvés au CHUM sont particuliers, en ce sens que les autres établissements finissent tant bien que mal par combler leurs quarts de travail en dépit de la pénurie», a précisé la responsable des communications de l'Agence, Lauréanne Collin.

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Avec la collaboration de Robert Dutrisac

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