Services essentiels: les spécialistes doutent de l'impartialité de la CSE

C'est au rythme d'une tortue boiteuse que les audiences publiques entre les médecins spécialistes et le gouvernement ont débuté devant le Conseil des services essentiels (CSE) hier. Malmené par les représentants des spécialistes qui ont remis en doute son impartialité, le Conseil a dû ajourner la session avant même de commencer à discuter du fond du problème.
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) s'est montrée combative devant le CSE hier: deux requêtes ont été déposées au cours de la journée, retardant ainsi à aujourd'hui le début du débat principal. Le Conseil doit essentiellement juger si les menaces de moyens de pression évoquées par les spécialistes contreviennent au droit des citoyens de recevoir des soins médicaux. Il doit aussi évaluer la légalité du seul moyen de pression actuellement appliqué, soit la cessation des activités d'enseignement par les médecins. Cette action menace la session d'une cohorte de résidents.Après avoir contesté en vain le fait que le Conseil siège à cinq commissaires (alors que la loi spéciale 37 en prévoit trois), les procureurs de la FMSQ ont déposé une requête demandant au CSE de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi 37. Les procureurs du gouvernement se sont alors agités: étudier cette question prendrait des semaines, ont-ils dit. Après quelques heures de débat, le CSE leur a donné raison.
Le président du Conseil, Normand Gauthier, a rappelé qu'une requête similaire a été déposée en septembre par la FMSQ devant la Cour supérieure: ce sera donc à cette dernière de trancher. M. Gauthier a mentionné qu'il ne fallait pas courir le risque d'obtenir deux jugements contradictoires sur cette question.
La deuxième requête des spécialistes a occupé le reste des débats d'hier. Les procureurs de la fédération ont carrément demandé au Conseil de se démettre du dossier, puisqu'il ne peut selon eux garantir un jugement impartial. «Ils sont trop près de l'État, a indiqué au Devoir l'avocat principal de la FMSQ, Jean-Marie Larivière. On est dans une situation où c'est le gouvernement qui porte plainte et qui nomme ceux qui doivent juger le conflit. Il y a apparence claire de partialité et de manque d'indépendance», estime-t-il.
L'avocat Julius Grey, qui représente les associations des anesthésistes et des orthopédistes, abonde dans ce sens. «Le Conseil n'est pas apte à juger cette cause», dit-il en demandant que soit révisée la loi qui a créé le Conseil en 1982. Me Grey dénonce notamment le mode de nomination des membres (qui ont des mandats de trois ans) et la possibilité pour le gouvernement de faire des nominations ad hoc.
Les deux avocats estiment que la Cour supérieure pourrait bien protéger les droits des citoyens si ceux-ci voulaient contester les moyens de pression futurs des médecins. Mais pour l'instant, la FMSQ ne reconnaît pas en exercer. «On respecte la loi, affirme Me Larivière. Mais on a identifié des choses qui, sans violer la loi, nous permettent d'exercer notre insatisfaction. Par exemple l'enseignement: on en est venus à la conclusion qu'on fait ça gratuitement, et que la loi ne s'applique pas ici.» L'article 5 de la loi 37 indique que les médecins ne peuvent modifier leur pratique, mais il précise qu'il s'agit d'activités rémunérées.
Le Conseil a pris en délibéré la requête concernant son impartialité jusqu'à ce matin. Aucun témoin n'a donc été entendu hier. Les procureurs du gouvernement ont pour leur part fait valoir que l'impartialité du Conseil des services essentiels avait été maintes fois reconnue. Ils ont aussi souligné que ce ne sont pas les intérêts du gouvernement qui sont en cause devant le CSE, mais plutôt ceux du public.