Prix Bernard-Belleau - Lumière sur le sommeil

Valérie Mongrain
Source: ACFAS
Photo: Valérie Mongrain Source: ACFAS

L'étudiante-chercheuse en sciences neurologiques Valérie Mongrain a reçu jeudi dernier le prix Bernard-Belleau destiné à un étudiant au doctorat dans le domaine de la santé ou de la pharmaceutique. Le travail des dernières années de la jeune femme portait sur un élément important de la vie de tout un chacun qui renferme encore beaucoup de secrets: le sommeil.

Spontanément, Valérie Mongrain a tendance à se coucher tard et à se lever tard. C'est une personne «de type soir». C'est pour cette raison qu'elle s'est intéressée à la régulation du sommeil. Lors d'un stage de recherche qu'elle a fait avant le début de ses études supérieures, Mme Mongrain a été enchantée d'apprendre que sa condition de personne de type soir était normale, qu'elle n'était pas reliée à la paresse, mais avait une plutôt une origine physiologique endogène.

Pour son doctorat entrepris à l'Université de Montréal, Mme Mongrain souhaitait percer le mystère de la régulation du sommeil. «Pourquoi avons-nous besoin de dormir environ huit heures et restons-nous éveillés environ 16 heures? Pourquoi suivons-nous ce rythme?», s'est demandé l'étudiante-chercheuse. Elle s'est donc intéressée aux deux processus qui régulent le sommeil, soit le processus circadien (l'horloge biologique), qui envoie un signal d'éveil au corps avec un rythme d'environ 24 heures, et le processus homéostatique, qui module la tendance au sommeil et son intensité en fonction de la durée de l'éveil. «Nous savions que ces deux processus interagissaient, mais nous ne comprenions pas très bien de quelle façon», précise-t-elle.

Soir ou matin ?

Il existe dans la population des personnes de type matin qui, spontanément, ont tendance à se coucher tôt et à se lever tôt, et des personnes de type soir qui se couchent plus tard et se lèvent plus tard. Pour son projet d'études, Valérie Mongrain a sélectionné 12 personnes de type matin et 12 de type soir, appelés des «chronotypes» dans le jargon, pour les inviter à passer cinq nuits et cinq jours en laboratoire.

Le but de l'expérience était de déterminer si des personnes ayant des cycles circadiens différents avaient aussi des variantes sur le plan de leur processus homéostatique.

«Il n'était pas évident de trouver ces chronotypes puisqu'ils représentent environ chacun 15 % de la population. De plus, nous devions éliminer les gens qui n'avaient pas un sommeil normal et nous devions trouver des gens disponibles. Nous avons principalement recruté des étudiants de niveau universitaire en distribuant des questionnaires dans les classes pour trouver des types matin et des types soir. Nous avons aussi diffusé des annonces dans certains journaux et nous avons mis quelques affiches», explique Mme Mongrain.

Mesurer la mélatonine

L'équipe dont était responsable Valérie Mongrain a donc analysé les processus circadiens et homéostatiques des 24 personnes qui ont bien voulu dormir au laboratoire pendant cinq nuits. Pour l'expérience, chaque personne devait respecter son cycle naturel de sommeil. «Pour connaître la position de l'horloge biologique, nous mesurions la mélatonine dans la salive de nos volontaires. Cette substance est présente dans le corps seulement au cours de la position normale de l'épisode de sommeil. Nous avons remarqué que, chez les personnes de type matin, la mélatonine est présente dans la salive environ deux heures plus tôt que chez les gens de type soir, ce qui confirme des différences dans la position de l'horloge circadienne selon le chronotype», a noté l'étudiante-chercheuse.

Pour déterminer les stades de sommeil atteints et l'activité des ondes pendant le sommeil des sujets, Mme Mongrain se servait d'électrodes. «Nous avons remarqué que les gens de type matin tendent à avoir plus de sommeil profond et qu'ils le dissipent plus rapidement pendant la nuit avant de se réveiller. Ainsi, ils se réveillent plus facilement et plus tôt tout en étant plus reposés. Nous pouvons en déduire que les types matin ont un processus homéostatique plus fort que les gens de type soir. Ce pourrait être pour cette raison que les gens de type matin ont plus de difficultés à passer la nuit debout et à dormir le jour», indique-t-elle.

L'ensemble des découvertes du projet de doctorat de Mme Mongrain pourrait être utile pour mieux comprendre certains troubles et, ensuite, essayer différentes solutions pour y remédier. «Par exemple, les gens qui souffrent du syndrome du sommeil en délai de phase ont toujours tendance à dormir de plus en plus tard, ce qui peut occasionner des situations familiales très difficiles et des pertes d'emploi. Ce trouble pourrait entre autres être dû à un processus homéostatique qui ne serait pas assez fort», explique l'étudiante-chercheuse qui s'est méritée des notes parfaites à ses cours de doctorat.

Démonter l'horloge biologique

Valérie Mongrain vient tout juste de déposer sa thèse de doctorat, mais ses recherches ne sont pas terminées. Elle vient de commencer un postdoctorat à l'université McGill. «Mon projet actuel touche à un tout autre domaine pour me permettre de développer de nouvelles compétences. Je travaille maintenant sur l'horloge biologique, mais au niveau moléculaire, puisque les gênes ont une implication extrêmement importante chez les gens de type matin et chez ceux de type soir. Dans le fond, je cherche à comprendre la manière dont fonctionne l'horloge biologique et le choix de l'horaire de sommeil. Une fois que nous connaîtrons mieux le fonctionnement des molécules, nous seront plus en mesure de développer des traitements ou des médicaments pour traiter les différents troubles de sommeil», explique-t-elle.

Ainsi, à seulement 29 ans, Mme Mongrain a probablement une grande carrière de chercheuse devant elle. «J'ai pensé à aller travailler en industrie puisque ce choix assure une plus grande stabilité et un meilleur salaire, mais j'ai finalement décidé de poursuivre mes recherches puisque je crois que je suis faite pour ça. J'espère ainsi décrocher un poste dans une université un jour. Mais pour le moment, j'en ai encore beaucoup à apprendre avec mon projet de postdoctorat», conclut-elle.

Collaboratrice du Devoir

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