Le campement d’itinérants sous l’autoroute Ville-Marie, à Montréal, sera démantelé

Les personnes sans abri s’étant installées sous l’autoroute Ville-Marie, au centre-ville de Montréal, seront expulsées après la mi-juin et leur campement sera démantelé. Un juge a refusé de suspendre plus longtemps l’ordre d’éviction.
« La présente affaire met en relief les défis monumentaux rencontrés afin de répondre aux besoins de la population itinérante », écrit le juge Pierre Nollet, de la Cour supérieure, en guise d’introduction à sa décision rendue mardi.
Cette situation difficile a surgi parce que le ministère des Transports du Québec veut effectuer d’importants travaux de réfection de l’autoroute pour la sécurité des usagers, dit-il, dans cette artère névralgique qui traverse le centre-ville de Montréal. Les travaux doivent durer trois ans.
Une quinzaine de personnes en situation d’itinérance habitent à cet endroit dans des tentes, formant une petite communauté. Il ne s’agit pas d’un lieu public comme un parc : les personnes itinérantes l’occupent donc sans droit, est-il écrit dans la décision.
Ses habitants ont mandaté la Clinique juridique itinérante pour défendre leurs intérêts, réclamant du ministère la mise en oeuvre d’un plan de logement conçu par l’organisme communautaire Résilience Montréal. La Clinique avait obtenu par injonction que le campement demeure intact jusqu’au 15 juin, et elle a récemment demandé un mois de plus, soit jusqu’au 15 juillet.
Le juge Nollet a refusé ce sursis supplémentaire.
Il se dit bien conscient que les membres de cette petite communauté peuvent « être en plus grand danger hors des lieux que sur les lieux », c’est-à-dire sous l’autoroute Ville-Marie. Car « habiter en groupe permet un plus haut niveau de sécurité que d’habiter seul : les membres se protègent réciproquement ». Sans ce campement de fortune, « ces personnes courent des risques accrus de désorganisation mentale ou même de décès ».
« Il est toutefois loisible de considérer que la situation qui met en danger la santé, la sécurité et la vie des membres de la communauté n’est pas seulement l’expulsion des lieux où ils se trouvent présentement, mais aussi le fait qu’ils ont été forcés ou ont préféré recourir à cette solution d’hébergement en l’absence ou méconnaissance des ressources nécessaires pour les loger. »
Mais ces ressources existent, poursuit le magistrat : « la preuve en a été faite ».
Car depuis la dernière ordonnance, les efforts déployés par des organismes communautaires ont porté fruit : un membre de la communauté sera logé dans un appartement financé ayant été attribué à Résilience Montréal. Le Chaînon logera deux femmes, et l’organisme Old Brewery est en train de chercher des logements pour six autres personnes.
Malgré ces efforts, certains n’ont toujours nulle part où aller. Mais l’urgence des travaux sur cette infrastructure vieillissante demeure, signale le magistrat.
Le juge explique que pour décider s’il prolongeait l’injonction temporaire interdisant les travaux et le démantèlement du campement, il devait notamment déterminer qui subira le plus grand préjudice.
Pour les personnes sans abri, le préjudice est réel, écrit-il : le démantèlement du campement mettra fin à leur communauté d’entraide et de protection. Elles ont aussi invoqué le risque de perdre leurs maigres possessions en cas de déplacement, mais le ministère des Transports a depuis offert de les entreposer.
Puis, il relève qu’un autre report des travaux présente des risques pour les usagers qui empruntent cette autoroute achalandée située au coeur de la métropole.
« La région de Montréal a déjà pu constater les conséquences désastreuses de l’absence de soins appropriés apportés aux infrastructures routières. Outre les conséquences économiques, il y a des conséquences humaines en jeu. Elles ne peuvent être ignorées. »
Il estime ainsi que les usagers subiront le plus grand préjudice.
En conclusion, le juge s’avance aussi délicatement sur cette piste : le retard dans les travaux risque de coûter des centaines de milliers de dollars à l’État. Pourquoi ne pas y avoir inclus le coût de relogement d’une poignée de personnes, demande-t-il ? Il s’agirait « d’une fraction » du coût.
« Ainsi [...], les contribuables, les usagers de l’autoroute Ville-Marie et les membres de la communauté sortiraient tous gagnants de cette situation. » Le juge Nollet indique toutefois qu’il ne peut s’immiscer dans cette décision, qui relève du gouvernement et non pas du pouvoir judiciaire. Il n’ordonne rien, mais souligne que « l’option demeure ouverte aux parties ».