Les juges doivent se conformer à la loi 21, estime un organisme citoyen

Droits collectifs Québec estime que les codes de déontologie des juges devraient refléter, en toutes lettres, les exigences de la laïcité au Québec.
Marie-France Coallier Le Devoir Droits collectifs Québec estime que les codes de déontologie des juges devraient refléter, en toutes lettres, les exigences de la laïcité au Québec.

Un organisme citoyen se tourne vers le tribunal pour qu’il contraigne les juges nommés par le gouvernement québécois à se conformer aux exigences de la Loi sur la laïcité de l’État, en vigueur depuis près de quatre ans.

« Personne n’est au-dessus des lois. Pas même les juges », font valoir l’organisation Droits collectifs Québec et son président, l’ex-député péquiste Etienne-Alexis Boucher.

Son association, qui dit « contribuer à la défense des droits collectifs sur le territoire québécois », estime que les codes de déontologie des juges devraient refléter, en toutes lettres, les exigences de la laïcité au Québec.

Dans une requête qui sera déposée ce jeudi au palais de justice de Montréal, l’organisme citoyen demande donc à la Cour supérieure « d’enjoindre au [Conseil de la magistrature du Québec (CMQ)] d’établir des règles traduisant les exigences de la laïcité et d’en assurer la mise en oeuvre ».

Le CMQ n’a, jusqu’ici, pas jugé utile de revoir les codes de conduite des juges sous sa compétence. Par courriel, la porte-parole Annie-Claude Bergeron a écrit mercredi au Devoir que le CMQ « a assumé les responsabilités qui lui sont confiées par la Loi sur la laïcité de l’État en rédigeant et diffusant le document “Les exigences de la laïcité au Québec” ».

Dans celui-ci, le CMQ écrit que « les normes déontologiques actuelles encadrent de façon suffisante la conduite attendue des juges, y compris au regard des exigences relatives à la laïcité ». De plus, « les objectifs sous-jacents aux exigences de la laïcité, soit la neutralité et l’impartialité, constituent déjà des devoirs déontologiques » imposés aux magistrats.

Droits collectifs Québec n’est pas de cet avis. « On regrette de devoir entamer cette procédure [devant la Cour supérieure] alors que pour nous, ça tombe sous le sens que le CMQ aurait dû adopter des règles empêchant — ou du moins garantissant — la neutralité de fait et d’apparence de ses membres dans l’exercice de leurs fonctions », a déclaré M. Boucher au Devoir.

Il estime que le choix du CMQ « n’est pas respectueux du cadre législatif » actuel. « D’autant plus que le respect de la loi par des juges est fondamental quant à la confiance que peut avoir le public envers les tribunaux », a-t-il souligné.

Il « appartient » ou « il est du devoir » ?

Dans sa requête, Droits collectifs Québec s’attarde à l’article 5 de la Loi sur la laïcité. Celui-ci stipule qu’« il appartient » au CMQ « d’établir des règles traduisant les exigences de la laïcité de l’État et d’assurer leur mise en oeuvre ».

Or, « compte tenu du contexte et de l’objet de la loi, le sens de l’expression “il appartient” relève plus du sens où “il est du devoir " ou “il incombe” », fait valoir l’organisation. « Il incombe », donc, « il est du devoir, il est obligatoire — et non pas discrétionnaire — pour le CMQ d’établir des règles traduisant les exigences de la laïcité et d’assurer leur mise en oeuvre », lit-on dans le document judiciaire.

L’organisation présidée par M. Boucher fournit des exemples. Le code de déontologie des juges pourrait ainsi contenir un article qui stipule qu’un juge « doit éviter, dans le cadre de ses fonctions, de signaler son appartenance religieuse par des propos ou des signes extérieurs qui pourraient donner l’impression qu’il a une attitude partiale ou des préjugés en ce qui concerne les convictions religieuses ou areligieuses », est-il suggéré dans la requête.

Droits collectifs Québec juge aussi que « l’ajout dans le code de déontologie des exigences de la laïcité ne nuit en rien à l’impartialité du juge, mais qu’au contraire […] cet ajout représente un renforcement de cette impartialité ».

Avec Marco Bélair-Cirino

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