Un Québécois condamné à 5 ans à Toronto pour trafic d’héroïne

« Il va faire une demande de transfert au Québec lorsqu’il en aura l’occasion », explique l'avocate de M. Lalancette.
Photo: Jacques Nadeau archives Le Devoir « Il va faire une demande de transfert au Québec lorsqu’il en aura l’occasion », explique l'avocate de M. Lalancette.

Un Québécois qui voulait distribuer de l’héroïne bénévolement prendra le chemin de la prison en Ontario, même si la juge a confirmé qu’il n’avait que de bonnes intentions. Michel Lalancette, l’un des fondateurs du Bloc pot, a été condamné à cinq ans de prison pour possession d’héroïne en vue d’en faire le trafic le 30 mars, neuf ans après son arrestation.

Michel Lalancette voulait donner l’exemple au gouvernement fédéral. La situation était « grave » : de plus en plus de Canadiens faisaient des surdoses puisque leurs drogues, dont l’héroïne, étaient contaminées avec des opioïdes, mais Ottawa ne faisait rien pour aider. Le Québécois voulait approvisionner les toxicomanes en héroïne pure et propre dans une « grosse bâtisse », a-t-il dit en cour en 2019, et prouver au gouvernement conservateur de l’époque qu’un tel approvisionnement aiderait des héroïnomanes à stabiliser leur vie auparavant chaotique.

Son plan n’a finalement jamais été réalisé. À l’été 2014, la police régionale de Peel, au nord de Toronto, l’a épinglé et a découvert 7 kg d’héroïne dans sa voiture. Si 1,4 kg lui appartenait, le reste était destiné à un membre du crime organisé pour qui Michel Lalancette transportait la substance. Le Québécois a juré ne pas avoir été rémunéré pour le transport, une explication acceptée par la juge. L’homme de 66 ans s’était porté volontaire pour exercer un degré de contrôle sur le stock.

Michel Lalancette n’a pas nié les faits durant les procédures. Il a plutôt adopté la défense de la nécessité, qui a été rejetée par la juge. Ses décisions « étaient animées par le désir de prouver au gouvernement que ses politiques étaient mal motivées », a écrit la juge en 2019. « Il essayait de faire valoir qu’il n’avait pas eu le choix d’agir en raison de la crise d’opioïdes, qui commençait à devenir un problème national », explique son avocate, la Franco-Ontarienne Tania Bariteau.

Fin d’une longue saga

C’est la fin d’un téléroman pour Michel Lalancette, qui a ouvert un café à Montréal où était servi du cannabis dans les années 1980. Les documents de la cour le décrivent comme un « militant de longue date en faveur de l’antiprohibitionnisme ». Depuis son arrestation en 2014, il était libéré sous caution, mais selon son avocate, il savait ce qui l’attendait, d’autant plus que la Couronne demandait une peine de 16 ans. « C’est quelqu’un de très intelligent », dit Me Bariteau.

Au cours de cette période, Michel Lalancette a adopté un comportement « exemplaire », a reconnu la juge, ce qui représentait une circonstance atténuante lors de la détermination de sa peine, tout comme le fait qu’il n’était pas motivé par l’appât du gain et la quête du profit. Il comptait transporter les drogues au crime organisé gratuitement et projetait de vendre sa part de la substance au prix coûtant directement à des toxicomanes.

Selon son avocate, le cofondateur du Bloc pot s’est lié au crime organisé puisqu’il s’était fait assurer que l’héroïne était « pure », mais la juge a relevé qu’il allait remettre 5,6 kg au crime organisé et « qu’il n’avait aucun contrôle sur la façon dont la drogue serait coupée et distribuée ». « Il devait savoir que cette quantité d’héroïne serait traitée par ses propriétaires d’une manière à maximiser leurs gains financiers, ce qui pourrait inclure la coupe de la drogue avec du fentanyl », a-t-elle écrit, ce à quoi il s’opposait lui-même.

En 2022, le militant antiprohibitionniste a soulevé des questions constitutionnelles par rapport au paragraphe 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qu’il a enfreint en étant en possession d’héroïne en vue d’en faire le trafic. Le Québécois demandait que le paragraphe ne s’applique pas, entre autres, aux « bons samaritains » qui participent au trafic d’héroïne afin d’aider les héroïnomanes. Il souhaitait un arrêt des procédures si cela était reconnu, ce qui n’a pas été le cas.

Me Tania Bariteau ne sait pas où est incarcéré son ancien client actuellement, mais elle prévoit qu’il sera bientôt transféré d’un établissement provincial à une prison fédérale. « Il va faire une demande de transfert au Québec lorsqu’il en aura l’occasion », dit son avocate. M. Lalancette a trois enfants. Selon la décision du 30 mars, il représente le « seul soutien financier » de deux d’entre eux, qui ont 18 et 19 ans.

Sa conjointe de longue date est présentement en thérapie pour soigner sa toxicomanie. Au cours des dernières années, elle a rechuté après 13 ans de sobriété, mais M. Lalancette « ne l’a jamais abandonnée », selon le récent jugement. Sa fille craint que sa mère perde tout espoir de se sortir de sa dépendance et qu’elle se retrouve totalement seule en raison de la peine de son père.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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