La Cour suprême accepte d’entendre l’affaire du «procès secret»

La Cour suprême du Canada
Sean Kilpatrick La Presse canadienne La Cour suprême du Canada

La Cour suprême du Canada va se pencher sur l’affaire du « procès criminel fantôme » qui a été tenu au Québec dans un troublant secret, à l’abri des regards.

Le plus haut tribunal du pays a fait savoir jeudi matin qu’il acceptait d’entendre cette cause. C’est le cas quand il estime qu’elle est d’intérêt national ou qu’elle présente une question de droit nouveau.

C’est le gouvernement du Québec qui a demandé à la Cour suprême de se saisir de l’affaire et d’ordonner à la Cour d’appel de révéler plus d’information sur ce procès criminel qui s’est tenu dans un huis clos total.

Un groupe de médias, parmi lesquels se trouvent La Presse, Radio-Canada, La Presse canadienne et les quotidiens des Coops de l’information, ont aussi fait une demande similaire. Ils lui enjoignent d’entendre cette cause qui met en jeu l’équilibre à respecter entre la publicité des débats judiciaires et la protection des informateurs de police — nécessaire à la résolution des crimes.

Plusieurs acteurs du système judiciaire se sont élevés contre cette façon de procéder : qui d’autre pourrait être condamné hors du système de justice et possiblement envoyé en prison sans que personne ne le sache ?

« La présente Demande d’autorisation d’appel soulève d’importants enjeux qui sont au coeur de la démocratie canadienne. En effet, la liberté d’expression, la liberté de presse et leur corollaire, le droit du public à l’information, sont des piliers de la démocratie », ont ainsi soutenu les médias.

Sorti de l’ombre

L’existence de ce procès fantôme avait été révélée en mars 2022 par un jugement caviardé de la Cour d’appel.

Ce jugement prononçait un arrêt des procédures criminelles intentées contre une informatrice de police qui, pour une raison inconnue, s’est retrouvée accusée d’un crime… qu’elle avait apparemment elle-même dénoncé. Les trois juges avaient aussi prononcé des ordonnances de confidentialité et la mise sous scellés de toutes les procédures et notes et de tous les documents de l’affaire.

La Cour d’appel s’était dite choquée que ce procès se soit tenu dans le plus grand des secrets : pas de numéro de dossier, ni les noms des juges et des avocats qui ont plaidé l’affaire. Même le nom du district judiciaire où la cause s’est déroulée est gardé dans l’ombre et sous cadenas.

Quant au public, sans ce jugement de la Cour d’appel, il n’aurait même pas su que ce procès s’était bel et bien tenu.

Par contre, appelée par la suite à dévoiler encore plus de renseignements sur cette poursuite criminelle, la Cour d’appel a refusé net : « Il ne saurait être question de divulguer quelque renseignement susceptible de permettre d’identifier “Personne désignée” [nom donné à l’informatrice de police dans le jugement] au risque de la mettre en danger. »

Personne n’exigeait de connaître son nom, mais Québec sommait toutefois la Cour d’appel de rendre publics tous les renseignements qui n’étaient pas susceptibles de permettre son identification.

Ce jugement a suscité d’importants questionnements et inquiétudes dans la population québécoise, et « a porté atteinte à la confiance du public envers l’administration de la justice », soulignait Québec dans son mémoire déposé à la Cour suprême pour la convaincre d’entendre l’affaire.

Le provincial souhaite que le plus haut tribunal du pays ordonne à la Cour d’appel d’enlever partiellement les scellés mis sur le dossier, car « aucune trace du procès de première instance n’existe ».

La Cour suprême fera savoir ultérieurement à quelle date elle entendra les arguments des parties.

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