«J’en ai marre», lance le juge à Michaël Chicoine 

Michaël Chicoine a finalement plaidé coupable de meurtre mercredi au palais de justice de Québec.
Francis Vachon Archives Le Devoir Michaël Chicoine a finalement plaidé coupable de meurtre mercredi au palais de justice de Québec.

Le juge François Huot n’a pas mâché ses mots au moment de prononcer la sentence de Michaël Chicoine, mercredi après-midi. « J’en ai marre de voir des adultes régler leurs problèmes d’adultes en s’en prenant aux enfants », a-t-il lancé à l’homme condamné à 16 ans et demi de prison sans possibilité de libération conditionnelle pour le meurtre de ses deux petits garçons.

À quelques semaines de son procès, Michaël Chicoine a finalement changé d’idée et décidé de plaider coupable mercredi, au palais de justice de Québec.

L’homme de 32 ans faisait face à des accusations de meurtre au second degré — car non prémédité — pour la mort de ses deux fils, Olivier (5 ans) et Alex (2 ans), survenue en 2020 dans une résidence de Wendake.

« Ils étaient beaux, vos enfants », a lancé le juge pour commencer en pointant une photo en direction du futur détenu, au moment de prononcer de la peine. Dans la salle, on entendait les sanglots forts et incessants des deux côtés de la famille : celui de la mère des enfants, Émilie Arsenault, entourée de ses proches, et celui de l’accusé, constitué de sa mère, Mylène Chicoine, et de sa soeur.

« Ils sont en colère, a dit le juge avant de hausser le ton. Et vous savez quoi ? Moi aussi, je suis en colère ! Parce que j’en ai marre de voir les adultes régler leurs problèmes d’adultes en s’en prenant à des enfants. J’en ai marre de voir des petits êtres payer pour les bêtises de leurs parents. »

Au moment des faits, Michaël Chicoine et la mère des garçons étaient séparés depuis deux ans. « Leur relation [était] conflictuelle depuis ce temps. […] Il y [avait] un litige concernant la garde des victimes », a expliqué le procureur Simon Larouche dans un exposé résumant les faits.

Ce qui me répugne encore davantage, c’est que vous avez commis ces gestes en pleine connais­sance de cause. Je n’ai jamais douté que vous étiez en pleine possession de vos moyens

 

Dans la nuit du 11 octobre 2020, Michaël Chicoine a envoyé à sa mère et à son ex-conjointe une photo montrant les deux victimes « inanimées, couchées dans un lit ».

Dans le message à sa mère, l’accusé écrivait « Je m’excuse, maman, j’ai trop souffert », en ajoutant que son ex-conjointe lui avait fait « tellement de mal ». À cette dernière, il a simplement écrit « adieu ».

L’accusé a ensuite avalé des « médicaments pour se suicider » et pris la direction du poste de police, où il a déclaré avoir tué ses enfants.

« Le meurtre des deux garçons avait déclenché un vif débat sur le travail de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). La mère des enfants a reproché à la DPJ d’avoir failli à son devoir de protéger les enfants. »

Il s’exposait à une peine à perpétuité sans possibilité de libération avant une période allant de 10 à 25 ans. D’un commun accord, les avocats de la défense et de la Couronne ont proposé de fixer l’échéance à 16 ans et demi, ce qui comprend les deux dernières années passées derrière les barreaux.

La santé mentale

Le juge s’est rallié à cette proposition, tout en soulignant n’avoir jamais cru à la thèse voulant que les problèmes de santé mentale de Michaël Chicoine permissent d’expliquer ses crimes.

« Ce qui me répugne encore davantage, c’est que vous avez commis ces gestes en pleine connaissance de cause. Je n’ai jamais douté que vous étiez en pleine possession de vos moyens », a-t-il dit à l’accusé avant de l’envoyer purger sa condamnation.

Lors des observations sur la peine, la mère de l’accusé a mentionné devant la Cour que son fils n’avait jamais réussi à obtenir de diagnostic pour un trouble de santé mentale en particulier. « Une maladie mentale sournoisement t’a envahi, avait-elle dit en pleurs. Aucun diagnostic n’a réellement été fait. »

La Couronne et la défense avaient en outre fait faire des expertises psychiatriques de l’accusé en prévision du procès, prévu à l’origine en janvier.

Ainsi, lorsque Michaël Chicoine a changé d’idée et souhaité plaider coupable, le juge a tenu à dissiper tous les doutes sur son état mental au moment de l’admission. Avant d’entériner le plaidoyer, il a demandé qu’une psychiatre non liée à la cause l’évalue. Cette dernière a été claire. « Il comprend bien les faits, les accusations qui sont portées contre lui, a soutenu la Dre Leblanc. Son jugement n’est pas altéré. »

Un drame aux impacts élargis

Devant la Cour mercredi, l’accusé était calme, parlait à voix basse lorsqu’on le questionnait. Une attitude aux antipodes de celle qu’il avait eue dans le passé. Lors de l’audience durant laquelle la date de son procès a été fixée, il s’était montré agressif et avait notamment fait un doigt d’honneur en direction de son ex-conjointe.

Or, le ton avait changé mercredi. « Le temps amène la réflexion. Il est temps de stopper l’hémorragie et de mettre un point final à ce drame épouvantable », a-t-il déclaré à voix basse avant d’évoquer, en pleurs, ses « deux merveilleux et extraordinaires garçons ».

L’homme de 32 ans a même rendu hommage aux qualités de son ex-conjointe. « Tu as toujours été une mère exemplaire dévouée au bonheur de tes deux cocos », a-t-il dit en offrant « ses excuses les plus sincères et viscérales » aux deux familles.

Son avocat, Me Pierre Gagnon, a dit avoir voulu convaincre son client d’agir ainsi dans l’espoir d’offrir « un baume », voire un minimum de quiétude à la famille des victimes avant les Fêtes. Cette dernière, a-t-il mentionné, n’aurait dès lors pas à « se soucier du stress » lié au procès.

L’un après l’autre, les membres de la famille ont décrit mercredi les impacts dévastateurs de la mort des enfants. Les proches de la mère des petits avaient écrit des lettres que le procureur Simon Larouche a lues. Celle de l’oncle des victimes, Dave Arsenault, illustrait à quel point la perte avait traumatisé ses propres enfants, âgés de 5 et 6 ans. « Notre fils a pleuré toutes les nuits pendant un mois, a-t-il raconté. Après leurs funérailles, il portait leur carte funéraire dans sa poche partout où il allait. […] Il me demandait comment je pouvais l’assurer que cette personne ne viendrait pas ici pour faire la même chose à lui et à sa soeur. »

Du côté des Chicoine, la mère et la soeur ont préféré lire elles-mêmes leur désarroi. Décrivant un processus de guérison « inimaginable », la mère du meurtrier s’est adressée à lui pour lui dire qu’en plaidant coupable, il leur évitait « à tous de revivre l’événement douloureux que nous aurait apporté un procès ». « J’y vois un signe de bienveillance à notre égard dans notre processus de guérison. »

BESOIN D’AIDE ? Si vous pensez au suicide ou vous inquiétez pour un proche, des intervenants sont disponibles pour vous aider, partout au Québec, en tout temps. 1 866 APPELLE (1 866 277-3553) Texto : 535 353 Clavardage, informations et outils : www.suicide.ca

À voir en vidéo