«La Presse» défend son travail journalistique au procès intenté par Steve Bolton

En défense au procès en diffamation intenté par le chorégraphe québécois Steve Bolton, La Presse cherche à démontrer que les informations rapportées dans cet article à son sujet étaient solides et corroborées — et que celles ne respectant pas ses normes journalistiques avaient été écartées.
Autrement dit, tout n’a pas été inclus dans le reportage publié en une de La Presse le 12 décembre 2017 sous le titre « Pluie de dénonciations contre un chorégraphe vedette. »
Certains comportements reprochés au chorégraphe par des danseuses — et relatés aux journalistes — n’apparaissent pas dans l’article.
Celui-ci rapportait qu’une vingtaine de plaintes avaient été déposées auprès de l’Union des artistes (UDA) contre le chorégraphe, contenant des allégations allant de la violence verbale et physique à des conditions de travail intenables et à de l’abus de pouvoir. On pouvait aussi lire dans le reportage que l’UDA s’était dite « extrêmement inquiète » et indiquait qu’elle comptait exercer une « vigie accrue » sur les productions de Steve Bolton, qui a travaillé à la télé dans des émissions comme Les dieux de la danse et La voix, ainsi que dans des comédies musicales à succès comme Mary Poppins et Footloose.
Le chorégraphe de 45 ans estime que la parution de cet article, qu’il qualifie de « diffamatoire », a nui à sa réputation et à sa carrière et lui a fait perdre de nombreux contrats.
Il réclame plus de 265 000 $ à La Presse et aux deux journalistes d’enquête, Katia Gagnon et Stéphanie Vallet, cette dernière travaillant maintenant pour Le Devoir.
Pourquoi certaines allégations envers le chorégraphe n’ont-elles pas été incluses dans le reportage ?
Parce que, selon les règles que La Presse s’est elle-même données, il devait y avoir « un grand nombre de cas » avant de rapporter une catégorie d’inconduites alléguées, a expliqué Katia Gagnon, qui poursuivait son témoignage lundi au palais de justice de Montréal.
Or, les journalistes n’en avaient récolté que deux ou trois dans une catégorie spécifique, ce qui n’était « pas suffisant » à leurs yeux pour les insérer dans l’article, a-t-elle relaté.
Le reportage s’est donc concentré sur les allégations d’abus psychologiques, de crises de colère et d’abus de pouvoir, des comportements dénoncés par plusieurs personnes avec lesquelles les journalistes se sont entretenues.
Un autre témoignage n’a pas trouvé sa place dans l’article, car la personne n’avait pas été témoin directement des événements rapportés.
Dans sa poursuite, Steve Bolton reproche divers manquements aux deux journalistes d’enquête, dont avoir utilisé des informations « de façon trompeuse » et sans mise en contexte, dans le but d’écrire un article sensationnaliste. La collecte d’informations est biaisée et partiale, dénonce-t-il, ajoutant que les journalistes n’ont pas rapporté dans l’article certains témoignages en sa faveur.
Certains ont effectivement été exclus, a expliqué Mme Gagnon. Par exemple, la version d’une femme a été écartée, car elle réclamait l’anonymat. Selon les règles journalistiques, rapporter les propos d’une personne sans dire son nom ne peut être fait que dans certaines circonstances, par exemple, lorsque la personne craint des représailles ou de perdre son emploi — ce qui n’était pas son cas.
En contre-interrogatoire, l’avocate de M. Bolton, Me Marie-Pier Cloutier, a tenté de faire ressortir que l’anonymat a été accordé — et leurs versions intégrées à l’article — à plus de personnes parlant contre Steve Bolton qu’à celles témoignant en sa faveur.
Afin de soutenir son argument selon lequel l’enquête a été « bâclée », l’avocate s’est aussi enquise des démarches non effectuées par les journalistes.
L’agent de M. Bolton a témoigné au procès qu’il leur avait remis une liste de 60 personnes à appeler pour avoir un autre point de vue : celui de personnes qui ont eu des expériences très positives avec le chorégraphe. Selon Mme Gagnon, 15 ont été contactées.
Elle a aussi précisé que l’article donnait une place importante à la version de M. Bolton : « le tiers », a-t-elle soutenu. Il a été rencontré par les journalistes durant 2 h 20, en présence de son avocate. « Il a eu le temps de s’exprimer, de s’expliquer », a déclaré Mme Gagnon.
Le procès, qui a commencé la semaine dernière, se poursuit mardi avec le témoignage de Stéphanie Vallet, l’autre journaliste ayant travaillé sur cette enquête.