Être élu sans pouvoir siéger? La loi 21 est au cœur du débat.

Cette épineuse question était au coeur des débats constitutionnels qui se sont déroulés en Cour d’appel jeudi.
Michael Monnier Archives Le Devoir Cette épineuse question était au coeur des débats constitutionnels qui se sont déroulés en Cour d’appel jeudi.

La Loi sur la laïcité de l’État n’enlève à personne le droit de se présenter aux élections, a plaidé le gouvernement québécois en Cour d’appel. Mais à quoi sert ce droit si, une fois élue, une femme se couvrant le visage n’a pas le droit de siéger, a rétorqué l’avocate d’un groupe d’opposants à la Loi.

Cette épineuse question était au coeur des débats juridiques et constitutionnels qui se sont déroulés en Cour d’appel jeudi.

L’article 8 de la Loi sur la laïcité de l’État — connue avant son adoption comme la loi 21 — prescrit que les députés doivent exercer leurs fonctions à visage découvert.

Des opposants à la loi 21 ont fait valoir que cette disposition contrevenait à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui établit que tous les citoyens ont le droit d’être candidats aux élections fédérales et provinciales.

Le juge Marc-André Blanchard, de la Cour supérieure, dans sa décision d’avril 2021, leur a donné raison et a déclaré inopérant à cet égard l’article 8 de la loi 21. Il n’a d’ailleurs invalidé qu’une seule autre portion de la loi, celle qui interdisait le port de signes religieux aux employés et aux enseignants des commissions scolaires anglophones.

« À l’évidence, il découle logiquement du fait que si une personne élue qui porte un vêtement qui couvre le visage ne peut siéger à l’Assemblée nationale, le fait qu’elle puisse pour autant demeurer éligible à une élection provinciale au Québec constitue en réalité la reconnaissance d’une situation tout aussi absurde qu’intenable », écrivait le magistrat.

Québec a porté en appel ces deux portions du jugement.

 

Jeudi, il a plaidé que la loi 21 n’avait pas eu pour effet d’empêcher qui que ce soit de se présenter ni d’être élu : « Ça ne s’est pas posé », a souligné Me Isabelle Brunet, au nom du procureur général du Québec.

Peut-être que cela ne s’est pas posé parce que c’est évident, « ça ne sert à rien », est alors intervenu le juge Yves-Marie Morissette, de la Cour d’appel.

Les opposants à la loi 21 ont présenté des arguments dans cette même lignée : « le droit à l’éligibilité inclut nécessairement le droit de siéger, sinon, être éligible ne sert pas à grand-chose », a lancé Me Olga Redko, qui représente notamment le Conseil national des musulmans canadiens et l’Association des libertés civiles canadiennes.

L’article 3 de la Charte protège « la possibilité réelle » de participer au processus démocratique, a-t-elle ajouté.

Et l’argument selon lequel la loi n’empêche personne de siéger, car les personnes visées ont toujours l’option de retirer ce qui couvre leur visage, il n’est pas valable, selon elle. « La religion fait partie intégrante de l’identité », a-t-elle souligné, ajoutant que ce constat a été fait par la Cour suprême du Canada elle-même. On ne peut donc demander à une personne d’enlever une partie de son identité, a plaidé l’avocate.

La Cour a ajourné le débat jusqu’à mercredi prochain.

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