Le procès de l’officier Dany Fortin s’ouvre à Gatineau

Accusé d’agression sexuelle, Dany Fortin a toujours clamé son innocence.
Justin Tang Archives La Presse canadienne Accusé d’agression sexuelle, Dany Fortin a toujours clamé son innocence.

La plaignante au procès du major-général Dany Fortin, accusé d’agression sexuelle, a raconté sa version des faits, lundi matin, au palais de justice de Gatineau.

Interrogée par la Couronne à l’ouverture du procès devant juge seul, la plaignante a d’abord précisé qu’elle et M. Fortin fréquentaient tous les deux le collège militaire de Saint-Jean-sur-Richelieu au moment de l’agression présumée, qui aurait eu lieu entre janvier et avril 1988.

La plaignante a raconté en anglais à la procureure de la Couronne Diane Legault qu’elle habitait dans une caserne avec une colocataire et qu’il y avait une règle selon laquelle leur porte devait toujours rester déverrouillée.

Elle a raconté qu’elle s’était réveillée peu après minuit un soir et qu’elle avait senti que quelqu’un lui avait pris la main et l’utilisait pour se masturber. Elle a senti une autre main sur sa poitrine, sous les draps.

Elle a précisé au tribunal qu’elle était allongée sur le côté et qu’elle s’est figée de panique et de stupeur en réalisant la position dans laquelle elle se trouvait. Avant de faire quoi que ce soit d’autre, a-t-elle dit, elle a ouvert un oeil et elle a reconnu M. Fortin, penché sur elle.

Après lui avoir fait comprendre qu’elle était réveillée, en changeant de position et en s’éloignant de lui, elle a dit qu’elle avait commencé à le repousser et lui a murmuré : « Lâche-moi. » Pensant à sa colocataire un peu plus loin dans la chambre, elle a également chuchoté son prénom, essayant d’attirer l’attention de la femme. Elle a dit qu’après une brève lutte, l’accusé a reculé, a remonté son pantalon et est reparti.

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas crié, la plaignante a soupiré et a fait une longue pause, avant de faire remarquer qu’il s’agissait d’une situation très embarrassante. Elle savait que « ce genre de chose était arrivé à d’autres » au collège et elle était bien consciente des « impacts que ça peut avoir quand c’est signalé ».

« J’étais horrifiée. Je ne voulais pas que quelqu’un surgisse et me trouve dans cette position — alors que quelqu’un me fait ça, me rabaisse ainsi », a-t-elle dit, en décrivant son état psychologique sur le coup. « J’espérais, avec [ma colocataire] là-bas, et le fait de lui dire d’arrêter, que cela, en soi, la peur, ce serait suffisant pour qu’il me laisse tranquille. »

Elle a indiqué au tribunal qu’après le départ de M. Fortin, elle a repris ses esprits, s’est habillée et est allée voir son ami de coeur, qui vivait dans une autre caserne, pour lui raconter ce qui lui était arrivé — et qui l’avait agressée.

Elle n’a déposé une plainte officielle qu’après que les Forces armées canadiennes ont lancé « l’opération Honneur ». Cette initiative, remplacée depuis, visait à lutter contre ce que l’ancienne juge de la Cour suprême Marie Deschamps a décrit dans un rapport en 2015 comme une « culture endémique d’inconduites sexuelles » et « de sexualisation » au sein de l’armée.

La plaignante n’a pas encore été contre-interrogée par la défense. Son nom et les détails qui pourraient l’identifier font l’objet d’une ordonnance de non-publication.

Dans la salle d’audience, M. Fortin, vêtu de son uniforme militaire, a regardé la plaignante pendant qu’elle témoignait, posant parfois les yeux sur ses mains.

Campagne de vaccination

 

Ce procès, présidé par le juge Richard Meredith, de la Cour du Québec, s’amorce plus d’un an après que le major-général Fortin s’est vu retirer ses fonctions de grand responsable de la campagne nationale de vaccination contre la COVID-19, en mai 2021, à la suite d’une « enquête militaire » non précisée à l’époque.

Le dossier avait été renvoyé au Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec plus tard ce mois-là ; en août 2021, M. Fortin était formellement accusé d’un chef d’agression sexuelle.

Le major-général Dany Fortin a toujours clamé son innocence.

 

Il conteste aussi en Cour fédérale la façon dont il a été démis de ses fonctions de responsable de la campagne de vaccination. Dans le cadre de cette procédure, il a notamment accusé le premier ministre Justin Trudeau et d’autres hauts responsables du gouvernement de l’avoir écarté pour des motifs purement politiques.

La Cour fédérale a rejeté sa demande de réintégration l’an dernier, mais M. Fortin fait appel de cette décision. Sa requête doit être entendue au début du mois prochain.

À voir en vidéo