André Boisclair plaide coupable à deux chefs d’agression sexuelle

L’ex-chef du Parti québécois André Boisclair a plaidé coupable lundi à deux chefs d’accusation d’agression sexuelle commise sur deux jeunes hommes, à des occasions différentes.
La Couronne et la défense ont fait une suggestion commune de peine au juge Pierre Labelle, soit deux ans moins un jour de prison.
Le juge de la Cour du Québec a indiqué qu’il souhaitait réfléchir avant de décider s’il va entériner cette suggestion ou pas, qui comprend aussi une probation de deux ans et une interdiction de contact avec les deux victimes.
L’homme de 56 ans, qui a été délégué général du Québec à New York de 2012 à 2013, connaîtra donc son sort le 18 juillet.
Pour le procureur de la Couronne, Me Jérôme Laflamme, il était important que les procédures criminelles se soldent par une peine de prison, vu les infractions commises, qui « doivent être punies à la hauteur de leur gravité ».
« Seule une peine d’emprisonnement lançait le message approprié de dénonciation et de dissuasion », a-t-il déclaré aux médias après l’audience.
Présent dans une salle de cour du palais de justice de Montréal, l’ex-politicien, debout devant le juge Labelle, a répondu deux fois « coupable » lorsqu’il lui a demandé quel plaidoyer il enregistrait pour le chef d’accusation d’agression sexuelle et pour celui d’agression sexuelle avec l’aide d’une autre personne. Un arrêt conditionnel des procédures a été prononcé sur le troisième chef, soit celui d’agression sexuelle armée.
Bronzé, vêtu d’un costume bleu-gris bien coupé, André Boisclair bavardait et riait avec un homme assis à ses côtés en attendant le début de l’audience.
Mais lorsque ses deux victimes ont témoigné, il a écouté, crispé, le récit de leurs blessures. L’identité des deux jeunes hommes est protégée par une ordonnance de non-publication.
Dans le premier cas, l’agression a été commise en janvier 2014. Après avoir eu des conversations avec André Boisclair sur un média social quelque temps auparavant, la victime est invitée ce jour-là à se rendre à son domicile, où se trouvaient alors d’autres personnes. Avant d'y aller, la victime lui dit qu'il ne veut pas avoir de sexe anal. Certains gestes sexuels consensuels sont faits, puis M. Boisclair a indiqué à deux hommes de saisir la victime et de la pénétrer. Le jeune homme ne veut pas et se débat : André Boisclair lui tient le torse pendant qu’un autre tente de le pénétrer, mais ne réussit pas. Ce dernier dit finalement aux autres de lâcher la victime. Les deux complices demeurent non identifiés à ce jour, a indiqué Me Laflamme. Ce résumé des faits a été dévoilé publiquement pour la première fois lundi.
Dans le cas de l’autre jeune homme, lui aussi dans la vingtaine, il a connu André Boisclair par l’entremise d’une application de rencontre. En novembre 2015, il se rend chez l'ex-politicien, où ils bavardent en buvant de la bière, mais, à un certain moment, André Boisclair lui a imposé des gestes sexuels dont il ne voulait pas, dont une pénétration digitale. La victime lui a dit « arrête » trois fois avant qu’il ne cesse.
Marqués à vie
Les deux jeunes hommes ont expliqué lundi au juge Labelle à quel point ils ont été affectés.
Le premier a déclaré avoir perdu confiance en lui-même, avoir des crises de panique, ne pas avoir réussi à finir ses études, avoir cessé de travailler à de multiples reprises « parce que la dépression a pris le dessus » et avoir commencé à prendre de la drogue « pour fuir sa détresse ».
« J’ai eu des plans pour m’enlever la vie », a-t-il dit en pleurant.
Aussi troublé, le second a expliqué que les actions d’André Boisclair lui ont laissé « une blessure profonde ». « Je suis marqué à vie », a déclaré le jeune homme, qui s’est décrit comme étant alors à un moment vulnérable, puisqu’il venait de faire son coming out à peine un an avant. Il a relaté avoir vécu de la honte, de la peur, et avoir toujours de la difficulté à entrer en contact avec les gens, s’étant de plus fermé aux relations intimes.
De son côté, l’avocat d’André Boisclair, Me Michel Massicotte, a indiqué que son client vivait à cette époque de l’anxiété, car il était victime de diffamation et avait même dû intenter une poursuite civile. L’anxiété causée par cette affaire l’a mené à prendre des médicaments, a-t-il indiqué, notant qu’il a au même moment consommé des stupéfiants : ainsi, lors des événements « son jugement était considérablement altéré, du fait, entre autres, de cette interaction ».
L’avocat de la défense a insisté sur le fait qu’il a depuis effectué une thérapie avec un psychiatre spécialisé en toxicomanie ainsi qu’une psychothérapie. Il va poursuivre son suivi professionnel, a assuré Me Massicotte. Lorsque les accusations avaient été déposées dans le premier dossier, M. Boisclair avait remis sa démission à l’Institut de développement urbain du Québec, qu’il présidait depuis 2016.
Me Massicotte a aussi fait remarquer au magistrat que son client, en plaidant coupable, a évité aux victimes l’anxiété de devoir témoigner à nouveau.
Dès le début des procédures criminelles, il avait fait savoir « qu’il ne souhaitait en aucun cas que les procédures ajoutent à la souffrance des victimes ».
M. Boisclair a choisi de ne pas s’adresser à la Cour ni à ses deux victimes lundi. Il leur a toutefois remis des « lettres d’excuses » par l’entremise des avocats.