Le projet de loi 96 attaqué en cour

Après le combat qu’elle a mené contre le projet de loi 21 (Loi sur la laïcité de l’État), la EMSB lance un autre débat constitutionnel, cette fois-ci sur la langue.
Marie-France Coallier Le Devoir Après le combat qu’elle a mené contre le projet de loi 21 (Loi sur la laïcité de l’État), la EMSB lance un autre débat constitutionnel, cette fois-ci sur la langue.

La Commission scolaire English-Montréal (CSEM) l’avait annoncé, et elle est maintenant passée à l’acte : elle demande à la Cour supérieure de déclarer invalides — parce que contraires à la Constitution canadienne — des articles du projet de loi 96 sur la langue officielle et commune du Québec, qui a été sanctionné la semaine dernière.

Cette loi, qui vise à renforcer et à protéger le français, modifie une vingtaine de règlements et de mesures législatives existantes, dont la loi 101.

Parmi les changements apportés se trouvent ceux-ci : trois nouveaux cours en français (ou de français) seront ajoutés dans les cégeps anglophones, qui se voient aussi imposer un plafond de leur capacité d’accueil des élèves. En matière de justice, les procédures déposées en anglais en cour devront désormais être accompagnées d’une traduction certifiée, et les jugements en anglais ne pourront être publiés avant qu’une version française soit disponible.

La loi a été critiquée bien avant son adoption, notamment par des anglophones, des immigrants ainsi que des Autochtones qui craignent d’être désavantagés par ces nouvelles exigences linguistiques.

Après le combat qu’elle a mené contre le projet de loi 21 (Loi sur la laïcité de l’État), la CSEM lance un autre débat constitutionnel, cette fois-ci portant sur la langue.

Articles 23 et 133 de la Constitution

Dans sa procédure de 47 pages déposée au palais de justice de Montréal, la plus importante commission scolaire anglophone au Québec annonce ses couleurs : elle fera valoir divers arguments, dont les trois suivants.

D’abord, le projet de loi 96 contrevient, selon la CSEM, au droit d’utiliser le français ou l’anglais devant les tribunaux, à la fois dans les procédures écrites et oralement devant un juge. Cette « égalité linguistique » est offerte par l’article 133 de la Constitution, rappelle la CSEM dans sa procédure.

Ensuite, il y a violation de l’article 23 de la Constitution, qui prévoit le droit à l’instruction dans la langue de la minorité, soit l’anglais en sol québécois. Cet article a été interprété au fil des ans comme offrant un droit de gestion et de contrôle sur les institutions d’enseignement dans la langue minoritaire.

Et enfin, le projet de loi 96 propose d’amender unilatéralement la Constitution du pays, ce que l’Assemblée nationale ne peut pas faire seule, est-il allégué : Québec a ainsi outrepassé ses compétences.

Le gouvernement de François Legault a invoqué la clause dérogatoire — aussi appelée clause nonobstant — pour mettre sa loi à l’abri des contestations judiciaires. Sauf que cette clause ne s’applique pas aux articles 23 et 133 de la Constitution, qui peuvent donc être utilisés pour faire invalider la nouvelle loi linguistique des troupes caquistes, rappelle la commission scolaire anglophone.

Il peut s’écouler des mois, voire plus d’un an avant que sa contestation ne soit entendue par un juge.

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