Tony Accurso devrait finalement prendre le chemin de la prison

Tony Accurso au tribunal en 2017
Photo: Ryan Remiorz La Presse canadienne Tony Accurso au tribunal en 2017

La Cour d’appel du Québec a rejeté jeudi les appels de Tony Accurso, qui contestait les verdicts et la peine qui lui ont été imposés à la suite de son procès pour fraude et corruption, même si elle critique vertement la conduite de la Couronne et de la police dans l’affaire.

Leur comportement n’a toutefois pas rendu le procès de l’ex-entrepreneur en construction inéquitable, écrit la Cour d'appel dans un jugement détaillé de 76 pages.

La Cour d’appel somme ainsi M. Accurso de se livrer aux autorités carcérales d’ici le 1er juin afin de purger la peine de prison de quatre ans qui lui a été imposée. L’homme peut toutefois toujours interjeter appel devant la Cour suprême du Canada.

En juin 2018, Tony Accurso avait été reconnu coupable par un jury pour avoir activement participé à un système de corruption et de collusion qui sévissait à Laval sous le règne de l’ex-maire Gilles Vaillancourt, entre 1996 et 2010. Les deux hommes — et 35 autres personnes — avaient été arrêtés en mai 2013 par l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

M. Accurso soutenait qu’il n’était pas au courant de l’implication de ses entreprises dans le stratagème puisqu’il ne s’occupait pas des opérations quotidiennes. Il avait plaidé non coupable à toutes les accusations.

Le système mis en place par Gilles Vaillancourt faisait en sorte que la Ville de Laval octroyait des contrats publics à des entreprises qui offraient une ristourne de 2 % au maire et à ses associés. Deux entreprises de Tony Accurso, Construction Louisbourg et Simard-Beaudry, ont obtenu de tels contrats, est-il écrit dans la décision de la Cour d’appel.

Des reproches en lien avec un premier procès avorté

 

Tony Accurso avait soulevé de nombreux moyens d’appel, dont plusieurs tournaient autour de l’avortement de son premier procès (et de l’enquête policière qui avait suivi).

Celui-ci s’était terminé abruptement en 2017 quand une jurée avait révélé au juge que son oncle lui avait confié avoir vu Marc Gendron, un collecteur d’argent du maire Vaillancourt, avec des valises remplies de billets de banque, le tout en lien avec le système de corruption lavallois. Ce même Marc Gendron a témoigné au procès qu’il avait rencontré Tony Accurso dans un stationnement et qu’il lui avait remis une ristourne de 200 000 $. La femme avait partagé cette information avec deux autres jurés. Une enquête criminelle fort inhabituelle avait été déclenchée afin de déterminer si quelqu’un avait tenté de contaminer le jury.

L’avortement du premier procès a avantagé la poursuite, car il avait déjà révélé sa stratégie de défense ; la Couronne avait ainsi pu adapter et bonifier sa preuve, s’est plaint Tony Accurso.

Dans son jugement de jeudi, la Cour d’appel a noté que les révélations faites à la jurée se sont rapidement avérées non fondées : l’oncle avait fait une « mauvaise blague » et aucun crime n’avait été commis. Mais les enquêteurs de la police ont poursuivi leurs démarches, relevant au passage que des jurés estimaient que l’accusé serait acquitté. Avoir eu accès à ces informations et à l’opinion du jury a aussi bénéficié indûment à la poursuite, avait plaidé l’ex-entrepreneur.

La Cour a qualifié la conduite policière dans le dossier de « problématique » et « d’une imprudence inouïe », du fait que les enquêteurs ont obtenu des renseignements sur les délibérations des jurés, qui doivent pourtant demeurer secrètes.

Quant à la Couronne, elle a initialement négligé de communiquer à la défense le rapport d’enquête policière sur les jurés — une omission « troublante », écrit la Cour d’appel, estimant que cette conduite doit être « réprouvée ».

Imparfait, mais légitime

 

Mais si la conduite des policiers et le manque de transparence de la poursuite ont nourri « des inquiétudes légitimes » chez Tony Accurso, ont-ils donné un avantage indu à la poursuite lors du deuxième procès de l’ex-entrepreneur en construction ? Non, répond la Cour.

Les faits révélés ne permettent « pas d’établir l’existence d’une volonté oblique d’utiliser une enquête criminelle légitime pour parfaire la preuve de la poursuite ou pour percer d’une manière illégitime et inappropriée le secret des délibérations », lit-on dans le jugement.

Et bien qu’elle regrette certains aspects de la conduite des policiers et de la Couronne, la Cour d’appel du Québec juge que les circonstances ne peuvent être considérées comme « un cas manifeste justifiant de priver la société du verdict rendu ». Elle confirme aussi que la peine de prison de quatre ans qui lui a été imposée est adéquate.

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