Dans une cause de violence conjugale, la Cour suprême ne modifie pas l’arrêt Jordan

Il n’y aura pas d’arrêt des procédures pour un scientifique et chercheur universitaire ontarien accusé d’avoir violemment battu son épouse.
Paul Giamou Getty Images iStockphoto Il n’y aura pas d’arrêt des procédures pour un scientifique et chercheur universitaire ontarien accusé d’avoir violemment battu son épouse.

La Cour suprême du Canada a refusé d’étirer l’élastique de l’arrêt Jordan pour un homme accusé d’avoir violemment battu son épouse. Il n’y aura pas d’arrêt des procédures pour le scientifique et chercheur universitaire ontarien qui alléguait que son droit d’avoir un procès dans un délai raisonnable avait été bafoué.

Le plus haut tribunal du pays a rendu son jugement oralement mercredi, peu après avoir écouté les présentations de l’avocat de l’homme et de celle de la procureure de la Couronne.

Par celui-ci, il réitère que le temps qu’un juge met à délibérer et à rendre un verdict à l’issue d’un procès criminel ne doit pas être inclus dans les délais fixés par le fameux « arrêt Jordan » de 2016. Cette affaire a cerné les balises suivantes : une cause criminelle doit être entendue dans un délai de 18 mois en Cour provinciale et de 30 mois en Cour supérieure ou lorsqu’il y a tenue d’une enquête préliminaire.

Adeel Safdar avait été arrêté en avril 2015. Il a été accusé, comme son frère et sa mère, d’avoir infligé de nombreuses blessures à son épouse ainsi que de lui avoir fait subir de multiples mauvais traitements au fil du temps, notamment des brûlures au fer chaud, des coupures et des bleus. Le chercheur soutenait que sa femme souffrait de troubles mentaux et s’était elle-même infligé lesdites blessures.

Cette affaire était « bizarre, triste, complexe et troublante », selon le juge Andrew Goodman qui l’a entendue en Ontario.

Au terme du procès, après les plaidoiries finales des avocats, et alors que le magistrat était en train de rédiger les motifs de sa décision, la défense a envoyé une requête en arrêt des procédures.

 

Le juge a donc mis sa décision de côté et s’est concentré sur cette requête. On y alléguait principalement que les procédures criminelles avaient dépassé le plafond de 30 mois prescrit par l’arrêt Jordan. Au-delà de cette période — à moins de circonstances particulières — l’arrêt des procédures doit être ordonné, puisqu’un accusé a le droit de subir son procès dans un délai raisonnable, en vertu de l’article 11 b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le juge avait ainsi mis fin aux procédures contre le trio et Adeel Safdar avait pu quitter la salle de Cour comme un homme libre.

Insatisfaite, la Couronne en avait appelé de cette décision et eu gain de cause devant la Cour d’appel de l’Ontario en avril 2021.

Puis, en juin 2021, le juge du procès a rendu son verdict de plus de 150 pages. Il a acquitté le frère et la mère, mais a trouvé Adeel Safdar coupable de voies de fait graves pour avoir fracturé la mâchoire de son épouse à deux endroits, ainsi que d’avoir mutilé de façon permanente son oreille. Pour ces crimes, il lui a imposé 4 ans de prison.

L’homme a alors saisi la Cour suprême, tenant à s’en sortir indemne avec un arrêt des procédures — et sans passer des années derrière les barreaux.

La Cour suprême lui a dit non. Elle s’est basée sur son propre arrêt R. c. K.G.K, rendu en 2020, soit après le procès de Adeel Safdar. Dans cette affaire, elle avait déjà exclu le temps de délibération du juge des calculs du plafond de 30 mois.

Or, sans cette période post-procès, les procédures criminelles ont duré 29,25 mois, a confirmé la Cour suprême en se basant sur le calcul fait par la Cour d’appel de l’Ontario.

La période de l’arrêt Jordan se calcule entre la date de l’accusation et la fin des plaidoiries, et sans inclure « la période après le procès », a rappelé le juge Russell Brown de la Cour suprême, qui a lu la décision mercredi. La délibération judiciaire ne doit pas être comptée, a-t-il poursuivi en donnant raison à la Cour d’appel et à la Couronne. L’avocat de l’homme avait aussi fait valoir que même avec cette « correction » due à l’arrêt R. c. K.G.K, les procédures avaient quand même dépassé 30 mois, mais ses arguments n’ont pas été retenus.

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