«On n’est pas loin du Moyen Âge», estime Gilbert Rozon

Le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, admet avoir été un « homme à femmes », mais maintient n’avoir jamais agressé sexuellement celles qui l’ont dénoncé dans la foulée du mouvement #MoiAussi.
« [Avec ce mouvement], on n’est pas loin du Moyen Âge et de mettre des gens au pilori », a déclaré M. Rozon lors d’un interrogatoire hors cour en vue du procès en diffamation qu’il a intenté contre les animatrices Julie Snyder et Pénélope McQuade.
Pendant deux jours, en septembre dernier, M. Rozon a livré sous serment un témoignage où il a abordé la façon dont il a vécu la vague de dénonciations de 2017. « Ce sont nos nouveaux héros, les victimes. […] Aujourd’hui, un acte héroïque, c’est d’être une victime », peut-on lire dans la transcription de plus de 500 pages.
À l’automne 2017, M. Rozon est visé par neuf femmes, qui ont raconté au Devoir, ainsi qu’au 98,5 FM, avoir été victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles de sa part.
« Moi, je pensais que les allégations […] étaient de nature que j’avais pu être un peu “mononcle” en disant à une fille que je la trouvais belle ou des affaires de même, parce qu’on sait aujourd’hui qu’une agression se définit par un simple regard insistant ou [par le fait] de regarder le corsage d’une femme, donc je pensais que c’était de cette nature-là », a-t-il dit.
M. Rozon a confié espérer que ce « phénomène sociétal » puisse se « rééquilibrer » avec le temps.
« La lumière attire »
L’homme de 67 ans admet avoir été « un homme à femmes ». « Je les aimais », a-t-il convenu, tout en précisant que ce besoin de plaire était surtout présent de 28 à 40 ans. Selon lui, les femmes qui ont allégué avoir été victimes d’une agression de sa part l’ont fait pour avoir de l’attention. « La lumière attire », a-t-il dit. Sont-elles toutes des menteuses ? « Je ne veux pas dire des horreurs sur des gens qui peuvent dans certains cas croire leur histoire, dans certains cas peuvent vouloir se venger d’une situation, se faire de la publicité, se faire de l’argent, l’argent aussi est un gros moteur, la jalousie aussi », a-t-il répondu.
M. Rozon a intenté une poursuite contre Julie Snyder et Pénélope McQuade, qui sont toutes deux revenues sur ce qu’elles soutiennent avoir vécu, dans le cadre de l’émission La semaine des 4 Julie, en septembre 2020.
Mme Snyder a affirmé que M. Rozon l’a agressée sexuellement pendant qu’elle dormait, il y a plus de 20 ans, à Paris. L’animatrice a expliqué avoir été inspirée par son invitée, Pénélope McQuade, et vouloir répliquer à une déclaration faite en février 2018 par M. Rozon. Il avait alors dit à une journaliste de TVA Nouvelles : « Je n’ai jamais fait l’amour à quelqu’un si une personne a dit non ». « Je voudrais juste dire à Gilbert Rozon que je n’ai pas pu lui dire non, parce que c’est arrivé pendant que je dormais. Je dormais dans un endroit où il y avait des gens de Juste pour rire […]. Je ne pouvais pas dire non, parce qu’on ne me l’a pas demandé », a lancé en direct l’animatrice.
Influencer le système judiciaire
Lorsque les déclarations des deux animatrices ont été reprises dans divers médias, M. Rozon dit avoir compris qu’elles cherchaient à « influencer le système judiciaire ». C’est qu’il devait subir son procès au criminel pour viol et attentat à la pudeur quelques jours plus tard.
« Je craignais que ça ait une influence, effectivement, sur l’opinion publique et, par voie de conséquence, je ne sais pas, je ne savais même pas quel juge me jugerait », a-t-il dit.
Rappelons qu’il a finalement été acquitté en décembre 2020 au terme de son procès criminel pour le viol allégué d’Annick Charette. Le procès se penchait sur des événements survenus il y a 40 ans à Saint-Sauveur, dans les Laurentides.
M. Rozon a expliqué avoir pris la décision pour la première fois d’intenter une poursuite civile, parce qu’il ne voulait plus être la « carpette sur laquelle tout le monde s’essuie les pieds ».
Il a livré une tout autre version des événements racontés par les deux animatrices. Dans le cas de Julie Snyder, il dit l’avoir accueillie dans son appartement à Paris alors qu’elle venait de se séparer du chanteur Patrick Bruel et qu’elle avait besoin de « réconfort ». « Elle s’est invitée chez moi, elle est arrivée avec une sorte de paletot, en dessous, elle était habillée très légèrement, des collants ou je ne sais pas quoi […], visiblement elle sortait du lit ou d’une rencontre […]. » Il a soutenu qu’il n’a jamais considéré Mme Snyder comme une amie, mais plutôt comme une connaissance. Il a également mentionné que leur relation a toujours été professionnelle.
Questionné sur plusieurs détails de cette rencontre, M. Rozon a fait valoir qu’il était difficile pour lui de se souvenir avec autant de précision de l’événement, qui remonte à plus de 30 ans. Il a indiqué que son frère et son assistante étaient présents et qu’ils pourront témoigner de ses dires.
Quant à Mme McQuade, M. Rozon a affirmé qu’elle « se trompe de gars ». Elle avait soutenu qu’il s’était jeté sur elle dans une toilette en 1997. Il s’est souvenu de l’incident, mais a affirmé qu’il pensait qu’elle prenait de la drogue. Surpris, il a dit être rapidement ressorti.
Les deux animatrices avaient déposé une demande pour faire déclarer poursuite-bâillon la procédure de M. Rozon. La Cour supérieure a rejeté leur demande, mais elles ont fait appel.
La Cour d’appel devrait annoncer vendredi si elle entendra leur cause.