L’UQAM veut mettre fin à «la concurrence effrénée» entre universités 

Stéphane Pallage est entré en poste le 27 avril dernier. 
Photo: Adil Boukind Le Devoir Stéphane Pallage est entré en poste le 27 avril dernier. 

Disant être désavantagée par le système de financement actuel, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) réclame à Québec une réforme en profondeur pour stopper la spirale de la concurrence entre les universités ainsi qu’obtenir le droit d’augmenter plus substantiellement, au besoin, les frais institutionnels obligatoires.

Le modèle actuel « génère de la concurrence effrénée entre les universités, et on le voit très bien dans la région montréalaise », souligne en entrevue avec Le Devoir le nouveau recteur, Stéphane Pallage, entré en poste il y a quelques mois. Il y a 16 universités, poursuit-il, y compris les satellites, comme le petit campus de l’Université Sherbrooke à Longueuil, qui sont en compétition. « C’est malsain », estime-t-il.

L’UQAM a perdu des étudiants dans les dernières années. Dans le modèle actuel, le gouvernement verse de l’argent aux universités pour chaque inscrit, ce qui incite les universités à se battre pour avoir plus d’étudiants.

L’institution a soumis son mémoire récemment au ministère de l’Enseignement supérieur dans le cadre des consultations sur la révision de la politique de financement des universités. Elle souhaite voir disparaître cette façon de faire et demande plutôt un financement fixe, à hauteur d’« un minimum » de 70 % de ses besoins, qui ne dépendrait pas du nombre d’étudiants inscrits. L’UQAM propose ainsi de miser sur les caractéristiques des établissements. « Ça créerait une stabilité qui nous permettrait d’avoir de réels projets, sur plus d’une année », soutient le recteur.

Bien qu’il refuse de se voir comme une victime du fonctionnement actuel, il reconnaît qu’il y a « un sous-financement qui s’explique par le fait que certaines règles favorisent involontairement certaines universités ». « Nous avons deux missions à l’UQAM : l’accessibilité et être francophone, dit-il. On ne veut absolument pas déroger à ça, mais ça a un coût. »

Revoir les frais obligatoires

 

L’UQAM demande également à Québec de « revoir les paramètres d’augmentation des frais institutionnels obligatoires (FIO) », pour « assurer une équité interétablissements ». Ces frais sont une facture imposée aux étudiants par les universités en dehors des droits de scolarité, et qui finance certains services. Leur augmentation est plafonnée à une indexation annuelle.

Quand on lui demande s’il souhaite augmenter plus substantiellement les FIO à l’UQAM, le recteur répond que, historiquement, avant que le nouveau plafond ne soit imposé, le choix à l’UQAM a généralement été de facturer des frais plus réduits que d’autres universités. « Mais les coûts, eux, ils augmentent, en particulier en ce moment, souligne Stéphane Pallage, en évoquant l’inflation. Nous n’avons pas pu, jusqu’ici, avoir une augmentation de nos frais à cause des contraintes imposées actuellement. »

« Ça aurait été une option d’augmenter les FIO. Personnellement, je ne suis pas enthousiaste à l’idée de le faire. Avoir l’option est une chose, l’utiliser est une autre, poursuit-il. Ce n’est pas nécessairement la volonté de l’UQAM d’augmenter les frais, et ce ne sera certainement pas la mienne. »

Nous avons deux missions à l'UQAM : l'accessibilité et être francophone. On ne veut absolument pas déroger à ça, mais ça a un coût.

 

Il souhaite attirer l’attention de Québec sur un des éléments ayant « par le passé » affecté l’UQAM, et qui a « creusé l’écart » avec les autres universités : « S’il n’y a pas d’enveloppes particulières qui nous permettent de bien financer notre mission d’accessibilité, ce qui est une de nos demandes au ministère, pour que l’UQAM soit compétitive et attractive, il faut qu’il y ait des revenus qui permettent de compenser l’augmentation des coûts. »

Péréquation sur les frais étrangers

 

Le recteur de l’UQAM, qui ne se voit pas offrir des programmes en langue anglaise, aborde aussi le fait que les universités anglophones ont accès à un plus grand bassin d’étudiants à l’étranger, qui sont facturés à prix fort. De leur côté, les étudiants français, belges et luxembourgeois paient le même montant qu’un étudiant du Québec ou du reste du Canada, selon le niveau et le programme d’études, et la région choisie.

Pour preuve, les étudiants internationaux ont rapporté près de 105 millions à l’Université Concordia en 2021-2022, contre près de 13 millions à l’UQAM. Cette dernière propose quelques avenues pour remédier à ce déséquilibre, dont un système de péréquation, financé par une taxe des frais de scolarité déréglementés.

Stéphane Pallage donne l’exemple d’un étudiant étranger qui paie 90 000 $ pour une année d’étude à McGill. « Une partie de cet argent serait taxée par le ministère et renflouerait un fonds qui permettrait de financer plus adéquatement les universités qui ne bénéficient pas de tels revenus », illustre le recteur.

Un vice-recteur à la revitalisation

L’état actuel du Quartier latin incite le recteur à créer, pour septembre prochain, un nouveau poste de vice-recteur, qui se consacrera « à la revitalisation du quartier ». « Ce serait une personne spécialiste du domaine de revitalisation de quartiers », précise Stéphane Pallage. Cette personne, qui « sera probablement un chercheur ou un professeur », sera aussi « en mesure de mobiliser l’ensemble des expertises que nous avons à l’interne pour les problématiques qui sont souvent humaines, et qui sont souvent extrêmement complexes, qu’on rencontre dans le quartier ». L’UQAM compte 40 000 étudiants et employés, et leur absence pendant la pandémie s’est fait durement ressentir. « Ma volonté, c’est qu’on fasse revivre le quartier par notre seule présence », dit-il.



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