Bernard Drainville exaspéré face aux syndicats

C’est un Bernard Drainville exaspéré qui a fait face aux représentants syndicaux lors des consultations à Québec sur sa réforme, qui vise à modifier la gouvernance scolaire et que plusieurs accusent d’être centralisatrice en plus de donner trop de pouvoir au ministre de l’Éducation.
« Quand je suis en face du mouvement syndical, je suis en mal de oui », a lancé M. Drainville, excédé, devant les représentants de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) vendredi midi.
Il parlait alors de la formation continue des enseignants, que le projet de loi 23 veut baliser et qui serait de trente heures sur deux ans. Le syndicat, comme d’autres, estime toutefois que la réforme ouvre la porte à imposer des choix de formations aux professionnels, nuisant ainsi à leur autonomie. Le ministre croit plutôt que l’atteinte d’un « équilibre » est possible. « Il me semble qu’on peut se rejoindre là-dessus », a-t-il insisté.
Il a également plaidé la cause du nouvel Institut national d’excellence en éducation, dont l’indépendance est réclamée par bon nombre de groupes qui défilent devant la Commission de la culture et de l’éducation.
« Il n’y a pas de contrôle, a-t-il assuré. Il y a une volonté que nos enseignants aient accès aux meilleures connaissances scientifiques possible, aux données les plus avancées et aux meilleures méthodes pédagogiques. »
« On va avoir des formations continues qui, s’appuyant sur ces dernières connaissances et ces meilleures pratiques, vont nous rendre meilleurs. C’est quoi, le problème ? » a-t-il lancé.
De son côté, le président de la CSQ, Éric Gingras, affirme que le syndicat est au contraire arrivé avec une posture d’ouverture. « Nous, ce qu’on a tenté de faire, c’est “oui, mais”, dit-il au Devoir. On ne rejette pas le projet de loi, mais il faut l’améliorer. Le ministre n’a pas vu ça comme un oui, c’est dommage, son exaspération. »
Il espère « faire cheminer » les propositions du syndicat. « J’espère que nous avons été écoutés et que nous n’étions pas simplement dans la rhétorique, souligne Éric Gingras. Le ministre a dit qu’il était ouvert à parfaire son projet de loi, mais en même temps, il a dit vouloir résister à la résistance. »
La CSQ réplique que sur la formation continue des enseignants, il y a un « certain déséquilibre » dans l’approche préconisée par le ministre. « S’il y a un nouveau programme, en français par exemple, […] le ministre pourrait effectivement dire qu’on aurait un certain nombre d’heures de formation en français », dit son président. « Mais là, ce n’est pas ça », poursuit-il, disant que le ministre veut imposer le sujet et que ce n’est pas tout le monde qui a, par exemple, besoin d’une formation sur la gestion de classe alors que d’autres besoins pourraient être plus pressants.
Craintes pour l’enseignement à distance
Il y a également eu des envolées lors du passage de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) vendredi avant-midi, ainsi qu’avec la Confédération des syndicats nationaux (CSN) jeudi soir. Les deux syndicats demandent de leur côté l’abandon du projet de loi.
« Pour réellement améliorer les résultats des élèves, il faut assainir la composition de la classe et offrir des conditions de travail décentes aux enseignantes et enseignants. Le ministre, par cette réforme, démontre qu’il ne comprend pas les vrais problèmes dans le réseau d’éducation. Il n’a pas l’expertise ni les capacités de gérer le réseau de l’éducation à partir de son bureau à Québec », a déclaré la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, dans un communiqué transmis vendredi.
Lors de son passage en commission parlementaire, celle-ci s’est inquiétée de la formation à distance alors que le projet de loi prévoit que ce soit permis dans des situations exceptionnelles ou imprévisibles. Le syndicat craint notamment que cela ne serve de solution pour remédier à la pénurie de personnel.
Cela a fait bondir le ministre. « Que vous soyez contre le projet de loi, c’est votre droit tout à fait légitime. Mais d’avoir de la difficulté à trouver un seul petit élément positif… » a-t-il lancé.
La Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ) utilise de son côté les termes « Sa Majesté le roi » pour parler du ministre, et l’accuse de vouloir « s’accorder tous les pouvoirs en nommant les directions générales des centres de services scolaires et en abolissant le Conseil supérieur de l’éducation ». Le président, Éric Pronovost, déplore que sa fédération n’ait pas été invitée à participer aux consultations, qui se termineront mardi.