Les programmes en anglais gagnent du terrain à HEC Montréal

Les cours offerts en anglais se multiplient à HEC Montréal. La plus ancienne école universitaire de gestion au Canada, véritable établissement francophone depuis 1907, affirme répondre à la demande pour des formations en anglais, qui s’impose comme la « langue des affaires ».
Une demi-douzaine de nouveaux programmes en anglais, créés en 2018, en 2019 et en 2021, attirent une clientèle croissante à HEC Montréal, révèlent des données obtenues par Le Devoir en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.
L’école de gestion affiliée à l’Université de Montréal offre 14 formations en anglais, y compris son programme phare, le MBA, offert dans la langue de Shakespeare depuis plus de deux décennies. Ce programme est aussi offert en français.
« C’est important pour nos diplômés d’être à l’aise en anglais. C’est la langue des affaires », explique François Bellavance, directeur des études à HEC Montréal.
L’établissement francophone a attiré en 2022 un nombre record de 497 étudiants dans des programmes en anglais. C’est sept fois plus qu’au tournant du millénaire, en 2000, lorsque le programme naissant de MBA en anglais comptait 70 étudiants.
L’offre de cours et de programmes en anglais reste toutefois marginale. Quelque 3,8 % des 13 240 étudiants de HEC Montréal sont inscrits dans des programmes en anglais. Cela n’inclut pas les étudiants au baccalauréat ou au doctorat qui suivent certains cours en anglais ou en espagnol dans le cadre de formations en français.
Un « marché » mondial
La concurrence est mondiale dans le « marché » des écoles de gestion, explique le directeur des études de HEC Montréal. « Les étudiants peuvent aller à l’Université de Colombie-Britannique, à Toronto, aux États-Unis ou ailleurs », dit-il.
Les établissements doivent adapter leur offre en fonction de la demande. Et la demande pour des formations en anglais augmente dans une économie mondialisée. Même en France, les « business schools », comme on dit là-bas, passent à l’anglais.
« On veut que notre diplôme soit reconnu mondialement », résume François Bellavance. Il précise que HEC Montréal n’a pas l’intention d’augmenter massivement l’offre de cours en anglais. L’établissement reste résolument francophone.
Vecteur d’anglicisation
Le chercheur indépendant Frédéric Lacroix estime que l’enseignement supérieur est l’un des principaux vecteurs d’anglicisation du Québec. Il déplore qu’un établissement francophone comme HEC Montréal doive augmenter son offre de formations en anglais pour concurrencer ses rivales anglophones.
« La langue des études terminales a un impact énorme sur la langue de travail », dit l’auteur de Pourquoi la loi 101 est un échec, publié en 2020, qui a remporté le prix du président de l’Assemblée nationale remis à l’essai politique de l’année.
Le chercheur note que la déréglementation des droits de scolarité des étudiants étrangers, décrétée en 2018 par le précédent gouvernement libéral, encourage les universités à recruter davantage à l’international. Les étudiants étrangers rapportent gros : les droits de scolarité pour les programmes courts à HEC Montréal s’élèvent à 11 400 $ pour les étudiants venus d’ailleurs, comparativement à 2300 $ pour les Québécois.
Le MBA en anglais, lui, coûte 60 000 $ aux étudiants étrangers. Environ 40 % des personnes qui y sont inscrites proviennent de l’étranger, indique HEC Montréal. Trois étudiants sur dix à ce programme de deuxième cycle en anglais sont déjà résidents permanents ; le reste a la citoyenneté canadienne. Ce MBA en anglais est offert en présence à Montréal, au nouveau campus de HEC Montréal au centre-ville, à compter de l’automne 2023.
Statistique Canada a démontré en 2021 que la moitié des étudiants étrangers deviennent résidents permanents, rappelle Frédéric Lacroix. Ces étudiants dits « internationaux » n’ont pas l’obligation d’apprendre le français durant leurs études.
Pour accorder par la suite la résidence permanente, Québec exige « la connaissance du français, mais non l’usage du français », rappelle le chercheur. Il estime que les étudiants étrangers ne devraient pas accéder à la résidence permanente au Québec s’ils sont incapables de faire « usage » du français dans leur vie de tous les jours.
Des programmes populaires
Pour contrer l’anglicisation, HEC Montréal dit avoir conçu un programme sur mesure pour ouvrir la voie aux étudiants étrangers : le « MBA plus » offre une école d’été et un stage en français aux étudiants anglophones pour leur permettre de s’intégrer au Québec.
Le nombre d’étudiants a augmenté dans la plupart des formations offertes en anglais à HEC Montréal, sauf la plus ancienne et la plus importante, le MBA, dont la progression a été freinée par la pandémie, en 2020. Le MBA en anglais a déjà atteint 178 étudiants en 2002, mais a chuté à 40 personnes en 2022.
Le nombre d’inscrits à la maîtrise en logistique internationale, créée en 2012, a été multiplié par presque 10 en une décennie, passant de 11 à 100 étudiants.
Quatre diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS) en gestion ont aussi été créés au fil des ans pour répondre à des besoins précis en République démocratique du Congo, au Liban, en Algérie et au Koweït. Chacun de ces programmes en anglais attire chaque année entre 14 et 51 étudiants. Les cours sont donnés dans chacun de ces pays par des professeurs montréalais envoyés à l’étranger ou par des enseignants recrutés dans ces États.
Une dizaine d’étudiants s’inscrivent aussi chaque année au « master » (en anglais) en gestion artistique internationale depuis la création du programme, en 2013.