Des initiatives pour favoriser la persévérance scolaire au Nunavik

Au Nunavik, territoire inuit au nord du 55e parallèle au Québec, les élèves apprennent dans un contexte différent de celui qui prévaut au Sud. S’il y a de grands défis à relever dans les écoles — et dans les communautés —, il y a aussi de petits miracles chaque jour.
Photo: Fournie par Dominique Paradis Au Nunavik, territoire inuit au nord du 55e parallèle au Québec, les élèves apprennent dans un contexte différent de celui qui prévaut au Sud. S’il y a de grands défis à relever dans les écoles — et dans les communautés —, il y a aussi de petits miracles chaque jour.

Au Nunavik, territoire inuit au nord du 55e parallèle au Québec, les élèves apprennent dans un contexte différent de celui qui prévaut plus au sud. S’il y a de grands défis à relever dans les écoles — et dans les communautés —, il y a aussi de petits miracles chaque jour. Le Devoir vous propose une série de reportages sur ce système d’éducation unique.

Jeunes Karibus

« Kim, tu es revenue ! » s’écrie une élève en s’élançant dans les bras de son enseignante. Kim Poulin rentre à peine d’une expédition avec des jeunes de l’école, dans le cadre du programme Jeunes Karibus.

Elle était partie six jours plus tôt avec quelques dizaines d’élèves de l’école Sautjuit, des enseignants, des guides et des intervenants. Leur but : parcourir en ski de fond les 93 kilomètres qui séparent les villages de Kangirsuk et d’Aupaluk.

Mais c’était compter sans le blizzard qui a surpris l’équipe en plein milieu de l’expédition et forcé une longue pause dans les tupiks — les tentes traditionnelles — et une fin de trajet mouillée en motoneige.

Ce texte est publié via notre section Perspectives.

« Le blizzard est arrivé au bon moment, estime Hugo Dufresnes, le directeur général de l’organisme Jeunes Karibus, qui accompagnait le groupe. Dans les premiers jours, on était vraiment dans le sport. Le blizzard a forcé une pause qui nous a permis de faire de l’intervention. Les guides sont entrés dans les tupiks pour raconter des histoires, ça a facilité les liens entre les générations et entre les jeunes eux-mêmes. »

L’organisme à but non lucratif est présent dans toutes les écoles du Nunavik. À travers l’organisation et la préparation d’une expédition, et à travers l’expédition elle-même, il vise à aider les jeunes à atteindre leur plein potentiel. Ils apprennent à se dépasser, à reconnaître leurs forces, et développent des liens positifs et de saines habitudes de vie. « Sur le territoire, les liens se développent à vitesse grand V », résume Hugo Dufresnes, en entrevue par vidéoconférence.

La seule condition pour y participer, c’est d’en avoir envie et d’être prêt à s’investir dans le projet tout au long de l’année. Il n’y a aucune obligation d’assiduité scolaire. Au contraire, on veut s’assurer de joindre tous les jeunes, en particulier ceux qui vivent des moments difficiles et qui peuvent, conséquemment, avoir du mal à se présenter en classe tous les jours.

Mais bien qu’il n’ait pas de statistiques à cet effet, Hugo Dufresnes est convaincu que le fait de participer à l’expédition favorise l’assiduité. « On a des jeunes qui ne viennent à l’école que le jour d’une activité en lien avec l’expédition », constate-t-il.

Kim Poulin abonde dans son sens. « L’expédition, c’est quelque chose de très positif. Les jeunes sont très, très motivés, ils ont chacun leurs raisons de faire ça. »

Voyage à Toronto

Dans le but de leur faire découvrir des options de carrière et d’études, deux enseignants de l’école Isummasaqvik, à Quaqtaq, ont amené leurs élèves de 4e et de 5e du secondaire en voyage à Toronto au printemps. « On leur a fait faire une visite de l’Université de Toronto pour qu’ils découvrent ce qu’est un campus universitaire, avec les complexes sportifs, la bibliothèque, l’architecture, des salles de classe accueillant plus de 150 élèves, etc.

C’est quelque chose qu’ils n’avaient jamais vu sauf dans les films, et je pense que ça leur a vraiment donné le goût d’expérimenter et d’apprendre plus de choses », explique l’enseignant Victor Rochette Coulombe en entrevue par vidéoconférence.

Grands amateurs de sports, les élèves ont également eu la chance d’assister à un match de basketball des Raptors, l’équipe professionnelle de Toronto. Les activités de financement — soirée poutine, spaghetti, sushi, cinéma, etc. — ont été réalisées tout au long de l’année dans le cadre d’un cours de développement professionnel et commercial.

Pour participer, les élèves devaient avoir un taux d’assiduité en classe de 75 %. « Une des raisons derrière ce voyage, c’était de leur montrer que ça vaut la peine de faire des efforts soutenus », précise l’enseignant. C’était la première fois depuis plus d’une décennie qu’une telle activité voyait le jour, mais déjà, il prévoit que ça deviendra un rituel de passage pour les finissants. En effet, il constate l’impact positif de cette « récompense », non seulement sur ses élèves, mais sur les plus jeunes aussi, qui ont hâte que ce soit leur tour.

« C’est une expérience unique dont ils vont se souvenir toute leur vie ! » assure-t-il.

Voyage dans l’Ouest canadien

À l’école Ikusik, à Salluit, les enseignantes Catherine Riendeau et Marie-Eve Trottier ont eu envie de récompenser l’assiduité et les bons comportements des finissants en leur proposant un voyage de 12 jours en Alberta à la fin du mois de mai. « On devait partir à New York avec nos finissants en 2020, mais la COVID a coupé court à tout ça, raconte Catherine Riendeau, qui enseigne l’éducation physique. Chaque année, depuis, on espérait partir, mais on devait remettre nos plans. Cette année, c’est la bonne. »

Les élèves, qui ont participé au choix de la destination et des activités, visiteront notamment le zoo de Calgary et le plus grand centre commercial en Amérique du Nord, à Edmonton. Ils feront également du cheval dans un ranch et pourront admirer les glaciers à Jasper et le lac Louise.

Il était important pour les enseignantes que les familles n’aient pas à débourser de l’argent, pour ne pénaliser aucun élève. Alors elles ont cogné à toutes les portes et obtenu près de 100 000 $ pour financer le projet. « On est devenues bonnes pour savoir où demander de l’argent et profiter des programmes qui existent ! » explique-t-elle en riant.

Elles tenaient néanmoins à ce que les élèves participent au financement, afin de les responsabiliser et de leur faire comprendre toute l’organisation derrière un tel voyage. Ils devaient également avoir un taux d’assiduité de 70 % tout au long de l’année scolaire et un bon comportement en classe. « Certains ont décidé que ça ne leur tentait pas, et c’est correct comme ça, dit Catherine Riendeau. Ça ne les motivait pas assez pour qu’ils respectent les critères. »

Pour la plupart, toutefois, le voyage était un objectif qui les a aidés à passer à travers l’année. « Ça les motive un peu plus », assure Marie-Ève Trottier.



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