Démystifier les inégalités salariales dans le milieu universitaire

Leïla Jolin-Dahel
Collaboration spéciale
Afin d’atténuer les écarts de salaire entre les sexes, des établissements ont mis sur pied certaines initiatives.
Illustration: Emma Blanc Afin d’atténuer les écarts de salaire entre les sexes, des établissements ont mis sur pied certaines initiatives.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche

Une enquête faite par une professeure de Polytechnique Montréal révèle d’importantes disparités entre les revenus universitaires des hommes et des femmes. Les conclusions de cette étude de Catherine Beaudry seront publiées dans un chapitre complet du livre Women in the Academy, qui paraîtra d’ici le début de l’automne.

Un sondage a été mené en 2017 auprès de plus de 5000 répondants de divers établissements à travers le Canada. Et malgré des rémunérations fixées par des conventions équitables, des disparités subsistent entre les sexes des occupants de différents postes administratifs. « On s’est demandé ce qui expliquait les différences de salaires. Et on est allés creuser du côté des primes qu’on peut recevoir pour différentes tâches ou performances », résume la professeure titulaire à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en gestion et en économie de l’innovation.

Mme Beaudry a cosigné cet article avec Laurence Solar-Pelletier et Carl St-Pierre. « Dans ce qui est régi par une convention, il ne reste plus vraiment de différences importantes pour ce qui est des disparités salariales », note en premier lieu la professeure.

Les trois chercheurs se sont alors penchés sur les primes au marché, de chaire, de performance et sur les honoraires de consultation. Les primes au marché servent à attirer ou à retenir des candidats en poste dans un établissement. Les primes de performance, proposées dans certaines universités, sont offertes aux chercheurs qui publient dans différentes revues. « On est aussi allés voir un facteur très important et souvent négligé. Ce sont les montants que les professeurs vont obtenir en contrats autres, donc en honoraires de consultation », ajoute Mme Beaudry.

D’importantes disparités

Ils sont 10,3 % d’hommes à occuper un poste administratif de directeur de département ou un poste plus élevé, contre 6,9 % de femmes. « Et les hommes reçoivent en moyenne 7000 $ de plus par année », note Mme Beaudry.

Quand on se penche sur l’autre type de poste administratif, qui inclut les directeurs de programme, de laboratoire ou de centre de recherche, on atteint la parité selon les sexes. « Mais 41 % d’hommes vont toucher une prime, contre 34 % de femmes », ajoute la professeure.

Les chercheurs ont noté peu de différences considérables au niveau des primes de chaire et de performance. D’importantes disparités ont toutefois été relevées en observant les primes au marché. Les hommes font à peu près 13 000 $ en primes au marché, contre 7300 $ pour les femmes, explique Mme Beaudry. « Les hommes vont chercher des sommes qui sont beaucoup plus grandes que celles obtenues par les femmes », dit-elle.

« Si on considère uniquement les honoraires de consultation, on voit que chez les 10 % de ceux et celles qui gagnent les montants les plus importants, les femmes reçoivent 47,2 % des honoraires que les hommes touchent », souligne Mme Beaudry.

Plusieurs facteurs

Afin de comprendre les causes de ces disparités, les chercheurs ont examiné plusieurs facteurs. Ils ont notamment vérifié si l’âge, le fait de prendre une sabbatique locale ou à l’international, le nombre d’enfants ou d’adultes à charge, les congés ou les interruptions de carrière et leur durée avaient des impacts sur le salaire.

« Lorsqu’on compare le salaire global selon les sexes en regardant chacun des indicateurs l’un après l’autre, on remarque rapidement que les femmes y perdent au change. En revanche, si on prend tous ces facteurs en considération en même temps, on peut voir l’effet d’un facteur sur le salaire quand tous les autres facteurs sont égaux », précise la chercheuse. Ainsi, en tenant compte de toutes les variables dans une analyse par régression, pour « la plupart des facteurs, on ne trouve pas de différences considérables entre les hommes et les femmes, lorsqu’on contrôle pour tous les autres effets possibles », dit Mme Beaudry. Cela exclut toutefois les primes au marché et les honoraires de consultation, nuance-t-elle.

Des solutions

Afin d’atténuer les écarts de salaire entre les sexes, des établissements ont mis sur pied certaines initiatives. Mme Beaudry mentionne le cas de l’Université Laval, à Québec, qui a instauré une mesure liée aux congés de maternité il y a plusieurs années. « Lorsqu’une femme revient de son congé de maternité et demande une promotion, celle-ci lui est accordée rétroactivement. Elle ne perd donc pas d’années en matière de salaire. Ils étaient précurseurs », dit-elle. Elle ajoute que Polytechnique Montréal s’est dotée d’une politique similaire il y a quelques années. « L’idée est de ne pas pénaliser les femmes pour leur congé de maternité », dit-elle.

Mme Beaudry estime qu’il serait également possible de diminuer les disparités liées aux primes de marché en les intégrant dans les conventions collectives des universités. « Des fois, cette prime est incorporée au salaire. Et quand il y a des augmentations de salaire en pourcentage, cette prime reste toute ta vie. Sur une carrière de 35 ans, ça fait toute une différence », illustre-t-elle. D’autres établissements suppriment, au contraire, cette prime graduellement au fil des ans.

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