Des violences sexuelles dénoncées dans une école secondaire de Cowansville
Des élèves de l’école secondaire anglophone Massey-Vanier, de Cowansville, affirment être la cible répétée de violences sexuelles de la part d’un garçon de leur établissement. Les jeunes filles ont porté plainte à la Sûreté du Québec (SQ) et dénoncent ce qu’elles qualifient d’inaction de l’école. La commission scolaire Eastern Townships, de son côté, dit agir.
Le Devoir a accordé ici l’anonymat à certains intervenants afin de protéger l’identité des personnes mineures impliquées dans le dossier.
« J’étais à l’école primaire quand ça a commencé, puis ensuite ça a continué », raconte Taylor (nom fictif), une élève de deuxième secondaire âgée de 15 ans. Avec d’autres élèves, des parents, deux députées et des membres du collectif La voix des jeunes compte, elle s’est présentée devant l’école lundi midi pour manifester. « Nous voulons que tout le monde sache ce qui se passeà Massey-Vanier, et que la direction de l’école ne fait rien », lance-t-elle. « L’école parlait à l’élève pour lui dire d’arrêter, mais il n’a pas changé son comportement, laisse-t-elle tomber. On sentait que la direction croyait l’élève, mais pas nous. »
Comme d’autres jeunes filles de l’école, elle a porté plainte à la SQ lundi dernier. « Ça s’empirait, et s’empirait, dit-elle. On lui disait de rester loin de nous, mais il continuait de s’approcher et d’essayer de nous toucher. »
Kathy (nom fictif), 14 ans, s’est elle aussi rendue au poste de la SQ. Elle a déposé une plainte à l’école pour la première fois l’année dernière, alors qu’elle était en première secondaire. Il y a eu des rencontres avec le garçon, et des excuses ont été présentées. Mais le lien de confiance est maintenant brisé. « J’ai senti que la police m’écoutait plus que l’école », soutient-elle au Devoir. Sa voix se brise. « C’est vraiment éprouvant. Tous les matins quand je me rends à l’école, je me demande ce qui va m’arriver. J’ai peur d’y aller. »
La direction de l’école n’a pas souhaité s’adresser aux médias.
Michael Murray, président de la commission scolaire Eastern Townships, insiste de son côté que « parce qu’on ne voit pas ce qui se passe, ne veut pas dire qu’il n’y a rien qui se passe ». « L’implication que nous n’avons rien fait est fausse », dit-il sans vouloir donner trop de détails, mais en précisant qu’un protocole existe dans les cas d’intimidation et d’agression sexuelle. Ici, des suivis ont été faits dès la réception des plaintes, soutient-il. « Nous sommes contraints par la nécessité de protéger l’identité des personnes impliquées, dit-il. On agit, mais on agit sous une obligation de protéger tout le monde. »
M. Murray ajoute que l’établissement collabore avec les policiers. Il espère qu’à la suite de l’enquête, ceux-ci feront la lumière sur « les vrais faits, en opposition à ce qui pourrait être des exagérations et des déclarations inexactes ».
Comme plusieurs, Ruba Ghazal, députée solidaire de Mercier, et Méganne Perry Mélançon, porte-parole nationale du Parti québécois, réclament de leur côté une loi-cadre pour prévenir les violences sexuelles en milieu scolaire et lutter contre elles, comme c’est le cas pour les établissements d’enseignement supérieur. « Ça prend des protocoles humains, adaptés et uniformisés dans toutes les écoles. Ça ne peut pas seulement relever des directions scolaires », souligne Mme Perry Mélançon. De son côté, Québec solidaire entend à nouveau déposer un projet de loi sur le sujet et espère que la CAQ s’y ralliera.
Leur présence devant l’école n’a toutefois pas plu au président de la commission scolaire Eastern Townships. « C’est déplorable que des députés choisissent de prendre avantage de l’anxiété des étudiants pour avancer leur agenda politique », lance M. Murray.
Des parents inquiets
Les actions de l’école ne convainquent pas plusieurs parents. Kathleen (nom fictif), la mère de l’une des victimes présumées du garçon, affirme que sa fille a alerté une directrice et d’autres intervenants au sein de l’école, mais qu’aucune mesure n’a été prise.
L'implication que nous n'avons rien fait est fausse. Nous sommes contraints par la nécessité de protéger l'identité des personnes impliquées. On agit, mais on agit sous une obligation de protéger tout le monde.
Mise au courant que d’autres élèves auraient été victimes de gestes à caractères sexuels de la même personne, elle a créé avec d’autres mères une conversation de groupe par texto pour garder contact. « S’il arrivait quelque chose, un danger, les filles textaient là-dessus et les mères pouvaient voir les messages », explique-t-elle.
Sa fille garde des séquelles, ajoute-t-elle. « Elle n’est plus capable d’en parler. Ça la stresse trop. Quand on en parle, elle change de pièce », raconte Kathleen.
De son côté, Natacha (nom fictif) dit croire sa fille Kathy et tout faire pour l’appuyer. « Je sais qu’elle n’est pas le genre de fille à inventer une histoire comme ça, sans raison. J’ai su que quelque chose se passait parce qu’elle pleurait, elle avait des cauchemars. Je me doutais de quelque chose, et elle s’est finalement confiée. Et je me suis dit : ça suffit. »