Le français «est une priorité du gouvernement», dit la ministre de l’Enseignement supérieur

« Le français, c’est une priorité du gouvernement », a assuré en entrevue au Devoir la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry. Un rapport commandé par le ministère et rendu public vendredi indique qu’il est « urgent d’agir » pour améliorer la maîtrise du français au collégial. Selon les autrices, un étudiant sur quatre échoue à son premier cours de français au cégep.
« Malgré tous les efforts mis dans l’enseignement de la langue, force est de constater qu’au terme de la scolarité obligatoire, bon nombre de jeunes présentent des lacunes sur le plan des compétences de base, à tel point que ce manque affecte leur réussite en enseignement supérieur », peut-on lire dans le document, qui fait près d’une centaine de pages.
Ainsi, « 54 % des jeunes annoncent au moment de leur admission au collégial qu’ils auront un moyen ou un grand besoin d’aide en français en vue de réussir leurs études », écrivent les expertes.
Pascale Déry dit accueillir « très favorablement les pistes de réflexion et d’intervention proposées dans ce rapport ». « On sait très bien qu’il y a des lacunes en français, ce n’est pas nouveau. On sait très bien qu’il faut intervenir, et on intervient déjà », a-t-elle indiqué.
Le document comporte 35 recommandations. La première est d’enseigner « le fonctionnement de la langue au collégial ». En ce moment, l’apprentissage s’arrête en cinquième secondaire. Une mesure qui ne permet pas d’assurer un « continuum », pourtant « nécessaire ». Cette continuité fait toutefois « partie des priorités de M. Drainville », le ministre de l’Éducation, indique Mme Déry.
Les coautrices suggèrent également « que soit décrite et analysée la situation des échecs répétés à l’épreuve uniforme de français », et « qu’un comité […] se penche sur un ensemble de questions relatives à l’épreuve […], incluant sa pertinence ».
Faut-il s’attendre à une réforme de cet examen, dont le taux de réussite tourne autour de 83 % ? « Toutes les avenues sont ouvertes », rétorque Mme Déry. « Ceci dit, la grande majorité des étudiants passent l’épreuve uniforme de français, donc il faut vraiment être capable de cibler ceux qui ont des lacunes », nuance-t-elle.
La ministre dit vouloir prendre le temps de « consulter les parties prenantes » et se concentrer, à court ou moyen terme, sur trois axes : les activités de perfectionnement en français pour le personnel enseignant ; les activités de renforcement en français, pour cibler les étudiants qui ont des lacunes et s’assurer de l’uniformité de ces dispositifs dans l’ensemble des cégeps ; et « voir si on peut inclure davantage d’éléments relatifs à la maîtrise du français dans les plans stratégiques et les plans de réussite institutionnels ».
Raviver l’enthousiasme pour le français
Outre les nombreuses recommandations adressées au ministère, les trois autrices rappellent « l’importance de renouveler l’engagement et l’enthousiasme des citoyennes et des citoyens du Québec pour la langue française ».
« Une relation positive des élèves à leur langue devrait commencer dès le primaire. […] Pour assurer une meilleure maîtrise du français, le comité croit sincèrement que toute la société québécoise doit renouveler son engagement, avec énergie et enthousiasme, pour que la langue française soit véritablement une richesse présente au coeur de la vie sociale. »
« On le voit dans les statistiques, on voit qu’il y a un déclin du français, qu’il y a de la difficulté à maîtriser la langue française », indique Pascale Déry, en appelant à un « effort collectif ». « Ce n’est pas juste une préoccupation pour le gouvernement, c’est une priorité », souligne-t-elle.
Un document longtemps attendu
Le Rapport du comité d’expertes sur la maîtrise du français au collégial a été commandé à l’automne 2021 par la ministre de l’Enseignement supérieur alors en poste, Danielle McCann.
Marie-Claude Boivin, professeure de didactique du français à l’Université de Montréal, Lison Chabot, directrice des études retraitée du cégep de Beauce-Appalaches, et Godelieve Debeurme, professeure de didactique du français de l’Université de Sherbrooke, ont remis leur compte rendu au ministère en janvier 2022.
Mais il aura fallu attendre plus d’un an avant que ledit rapport ne soit rendu public. Une attente dénoncée par la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec.
« Pourquoi une telle attente si le français est une priorité pour le gouvernement ? » a demandé dans un communiqué la présidente de la fédération syndicale, Caroline Quesnel, en soulignant un paradoxe avec « le discours officiel du gouvernement Legault, qui se targue d’être un défenseur de la langue française ».
Questionnée par Le Devoir à ce sujet, la ministre Déry rétorque qu’elle n’a eu accès au document qu’en décembre, soit deux mois après son entrée en poste, et qu’elle l’a consulté après les Fêtes. « Ensuite, vu qu’on mettait sur pied [en janvier] un groupe d’action sur l’avenir de la langue française, pour moi, c’était très important de pouvoir le partager avec mes collègues [des autres ministères], pour qu’on puisse justement travailler sur des actions concertées. Mais il n’était pas question de cacher le rapport. […] Bien au contraire, il y a des pistes d’intervention et de réflexion extrêmement pertinentes et importantes. »