Des primes de 54 millions aux profs d’université

Au Québec, la proportion de femmes ayant un salaire annuel de 150 000 $ et plus était presque 3,5 fois plus faible que celle des hommes (8,1 % du corps professoral pour les hommes, contre 2,3 % pour les femmes en 2016-2017), souligne la FQPPU.
Christopher Futcher Getty Images iStockphoto Au Québec, la proportion de femmes ayant un salaire annuel de 150 000 $ et plus était presque 3,5 fois plus faible que celle des hommes (8,1 % du corps professoral pour les hommes, contre 2,3 % pour les femmes en 2016-2017), souligne la FQPPU.

Les primes salariales se généralisent parmi les professeurs d’université québécois. Plus de 3570 d’entre eux en ont bénéficié en 2017-2018, pour une somme totale de 54 millions de dollars. Cette année-là, la bonification des salaires de base représentait 4,7 % de la masse salariale du corps professoral des universités québécoises.

Ces données sont tirées d’une étude publiée en octobre 2018 par la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), qui regroupe 8000 membres dans 18 établissements. Le document recense quatre types principaux de primes salariales versées aux professeurs — pour la direction de programmes ; pour le rendement ; pour une chaire de recherche ou pour compenser les salaires élevés dans un domaine d’emploi.

Les professeurs de l’Université McGill accaparaient la part du lion (46 %) de ces avantages financiers, avec des primes totalisant 25 millions de dollars remises à 1448 professeurs. L’Université de Montréal venait au deuxième rang, avec 20 % des primes payées à des professeurs québécois. Les 16 autres universités québécoises se partageaient le dernier tiers des primes salariales (mais deux établissements, HEC Montréal et l’UQAM, n’avaient pas fourni leurs données à la FQPPU).

La FQPPU se réjouit de cette reconnaissance financière du travail accompli par ses membres, mais souhaite davantage de transparence et d’équité dans l’attribution des primes salariales. Les profs de disciplines offrant des salaires élevés hors du milieu universitaire — comme en droit, en médecine, en ingénierie ou en finance — jouissent de primes salariales enviables, pouvant dépasser 50 000 $ par année, tandis que les profs de matières comme la littérature, les sciences humaines ou les arts, par exemple, doivent souvent se contenter des salaires prévus aux conventions collectives.

Divisions dans les campus

Ces iniquités créent des tensions dans les campus, a rapporté Le Devoir vendredi. Une prime de 25 % accordée depuis deux décennies aux professeurs de la Faculté de droit de l’Université de Montréal (UdeM) divise la communauté universitaire.

L’UdeM a remplacé ces primes — et celles de l’ensemble de ses professeurs — par une nouvelle directive créant des primes de rendement et d’attraction attribuées de façon transparente et indépendante. 

La nouvelle directive est entrée en vigueur en juin 2020, mais un arbitre de griefs a tranché la semaine dernière en faveur des professeurs de droit de l’UdeM : la direction de l’établissement ne pouvait éliminer ces primes de 25 % sans consultation. L’arbitre Jean-Guy Ménard invite les deux parties à déterminer ensemble l’avenir de ces primes salariales.

Le Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal (SGPUM) « se réjouit de cette décision, qui rappelle clairement à l’employeur qu’il ne peut modifier unilatéralement les conditions de travail du corps professoral », a indiqué au Devoir Fasal Kanouté, présidente du syndicat.

Cette décision arbitrale « crée un précédent important pour l’ensemble des professeurs et le respect des droits de ceux-ci. Le SGPUM espère que l’employeur en prendra acte et que ce dernier collaborera avec le SGPUM, tant pour la mise en oeuvre de cette décision que pour les dossiers où le SGPUM demande à être véritablement reconnu comme interlocuteur pour assurer le respect des conditions de travail et un environnement sain pour ses membres », a-t-elle ajouté.

De son côté, la direction de l’UdeM étudie le jugement avant de décider si elle le contestera en Cour supérieure.

Gare au « boys’ club »

La Fédération représentant les 8000 professeurs d’université québécois dit souhaiter que l’attribution des primes se fasse de façon collective pour éviter les ententes individuelles accordées à ceux qui parlent le plus fort ou aux membres du « boys’ club ».

« Il existe un déséquilibre hommes-femmes, notamment dans l’attribution des salaires et des responsabilités de direction », note l’étude de la FQPPU.

Les étudiantes sont majoritaires dans plusieurs programmes universitaires, mais les femmes restent minoritaires dans le corps professoral, note la FQPPU. Les femmes représentent un peu plus du tiers des professeurs (38 %) dans les établissements universitaires québécois. Elles sont encore moins nombreuses à occuper un poste de professeure titulaire, soit 12,4 % du corps professoral en 2016-2017.

Au Québec, la proportion de femmes ayant un salaire annuel de 150 000 $ et plus était presque 3,5 fois plus faible que celle des hommes (8,1 % du corps professoral pour les hommes, contre 2,3 % pour les femmes en 2016-2017), souligne la FQPPU.



À voir en vidéo