Problèmes de gouvernance majeurs au Collège régional Champlain

Le mandat de la directrice générale du Collège régional Champlain (CRC), Odette Côté, ne sera pas renouvelé à la suite d’une enquête administrative qui a été menée par le ministère de l’Enseignement supérieur du Québec, alors que des dizaines de milliers de dollars ont été dépensés dans les derniers mois à cause de conflits. Dans un rapport critique, les enquêteurs concluent à un manque de leadership et réclament des actions immédiates sur plusieurs fronts.
« Une intervention rapide est nécessaire pour rétablir le climat organisationnel et instaurer de saines pratiques de gouvernance », peut-on lire dans un rapport partiellement caviardé daté du 22 juin, obtenu par la Loi d’accès à l’information et qui a été publié sur le site Web du ministère mercredi. Celui-ci contient 13 recommandations.
Le ministère de l’Enseignement supérieur dit avoir été mis au fait d’une « gouvernance dysfonctionnelle » et « de graves problèmes de gestion ». C’est pour ces raisons que le sous-ministre, Sylvain Périgny, a déclenché en décembre 2021 une enquête de six mois « concernant l’administration et le fonctionnement » de l’institution.
Le Collège régional Champlain, de langue anglaise, est constitué de trois cégeps : Lennoxville, St. Lawrence et Saint-Lambert. Sa structure administrative a été modifiée en 2019, mais le « manque de leadership des acteurs impliqués » a nui à la mise en œuvre de changements, constate le ministère.
La directrice générale, qui est entrée en fonction le 1er août 2016, est écorchée par le rapport. Ses auteurs recommandent notamment de « revoir le processus d’évaluation du rendement de la direction générale » pour que le CRC « se dote d’un premier dirigeant à la hauteur de la fonction, dans un contexte de changements importants ».
Odette Côté, qui doit rester en poste jusqu’au 31 juillet, souhaitait que son mandat soit renouvelé. Cela lui a été refusé lors d’une séance du Conseil d’administration mercredi soir, sur la base de la recommandation unanime du comité d’évaluation, et après une longue discussion à huis clos qui s’est étirée tard en soirée.
Une « dure décision », a laissé tomber le président du Conseil d’administration, François Paradis, après avoir lu la résolution. « Mais pour le bien-être du Collège, c’était la décision du conseil », a-t-il ajouté. La principale intéressée, visiblement émue, a ensuite présenté quelques mots. « Je souhaite au Collège le meilleur, et vous resterez toujours dans mon cœur », a-t-elle dit.
Certaines des dépenses de la directrice générale témoignaient notamment « de lacunes dans l’environnement de contrôle du CRC », écrit-on dans le rapport.
Alors qu’elle assurait par intérim les fonctions de directrice des ressources humaines, elle avait obtenu une rémunération additionnelle de 10 %. Malgré cela, Mme Côté a tout de même eu recours aux services d’un consultant pour un montant additionnel de 34 210 dollars.
Elle avait également demandé en mai à ce que soient payés des honoraires pour des frais juridiques totalisant près de 32 000 dollars, factures qui n’avaient pourtant pas été présentées au Conseil d’administration pour approbation.
Lors de la séance du Conseil d’administration mercredi soir, il a aussi été révélé que près de 250 000 dollars ont été dépensés depuis un peu plus d’un an en frais légaux ou à des consultants.
Le cégep St. Lawrence, situé à Québec, est lui aussi particulièrement décrié dans le rapport. Selon ce dernier, il y règne « un climat d’animosité et d’opposition entre les groupes de membres [du conseil d’établissement] et à l’endroit de la direction du collège ». Le rapport fait état d’une enquête menée par Me Anaïs Lacroix, de la firme Latitude Management, concernant des allégations de harcèlement, mais sans donner plus de détails.
Conseil d’administration dysfonctionnel
Le Conseil d’administration, présidé par François Paradis depuis juin 2020, se retrouve également sous la loupe. Des « dysfonctionnements au C.A. » ont été constatés, notamment au niveau de conflits d’intérêts.
Les réunions du Conseil d’administration dépassent parfois « largement » l’heure prévue et se terminent très tard le soir. Pour exemple, le conseil auquel a assisté Le Devoir mercredi, qui a débuté à 18 h et qui devait durer trois heures, s’est conclu tout juste avant 23 h 15.
Le rapport conclut également à des « manques de disciplines, des hausses de ton, des impolitesses et des manques de courtoisie » qui contribuent à une atmosphère « stressante et démotivante » pour les membres du C.A.
« D’importantes lacunes » ont été constatées dans la planification des réunions, ce qui entraîne « des prises de décisions mal éclairées » et des « absences récurrentes ».
Les membres ont par ailleurs « une faible connaissance de leur rôle, de leurs responsabilités et de leurs devoirs », note le rapport. « Il n’y a pas de plan de formation pour les membres, écrivent les auteurs. [Ils] sont [donc] susceptibles de subir des influences au moment de la prise de décision ».
Changements à venir
Dans ce contexte difficile, une firme externe a été mandatée par le ministère de l’Enseignement supérieur du Québec pour aider le CRC à appliquer les recommandations formulées.
Dans une déclaration écrite envoyée au Devoir mercredi, le Collège dit reconnaître « l’importance d’améliorer ses activités de gouvernance et s’est déjà engagé, au cours des derniers mois, dans la réalisation des grands chantiers ciblés par le rapport du ministère ».
« Cet engagement demeurera une priorité pour le Collège jusqu’à ce que l’ensemble des recommandations aient été mises en œuvre », ajoute-t-on.
Parmi les recommandations figurent notamment la mise en place de bonnes pratiques en matière de ressources humaines, la révision du processus de traitement des plaintes et une meilleure définition des rôles et responsabilités des membres du Conseil d’administration. Il est également proposé d’instaurer un processus d’évaluation du fonctionnement du C.A., du Conseil d’établissement et de leur présidence.