Coup de pouce à la philanthropie dans les cégeps
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Philanthropie
Dans son budget 2022, le ministre des Finances du Québec a créé le programme Placements Cégeps, qui consacrera 45 millions de dollars sur cinq ans pour inciter les particuliers et les entreprises à faire davantage de dons aux établissements collégiaux publics.
« On travaillait pour obtenir cette mesure depuis cinq ans, dit Bernard Tremblay, p.-d.g. de la Fédération des cégeps. Les universités ont beaucoup profité d’un programme semblable il y a 20 ans, et il n’était pas normal que les fondations des cégeps soient laissées en plan. »
Côté syndical, toutefois, on s’en inquiète. « On n’est pas contre la philanthropie, mais nos cégeps ont besoin d’amour, pas de charité », dit Yves de Repentigny, vice-président responsable du regroupement cégep à la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ), qui voit pour sa part certains risquent liés à cette mesure.
Double soutien
Placements Cégeps soutiendra les fondations collégiales de deux manières, peut-on lire dans l’annexe S126 du budget. D’abord, chaque fondation recevra un montant annuel fixe pour assurer son fonctionnement.
Les petits cégeps (comme ceux de Sept-Îles, Baie-Comeau et Granby) auront droit à la somme maximale, soit 50 000 $ par an. Les cégeps dits moyens (par exemple Bois-de-Boulogne, André-Laurendeau ou Lévis-Lauzon) recevront la moitié. Quant aux 18 « gros » établissements (par exemple Dawson, Ahuntsic ou Édouard-Montpetit), ils devront se contenter de 15 000 $ par an.
« Ça permettra d’assurer une direction générale ou un secrétariat », dit Bernard Tremblay.
De plus, le gouvernement versera une subvention en contrepartie de chaque don. Par exemple, les petits cégeps recevront un dollar additionnel pour chaque dollar versé.
Pour les établissements de taille moyenne, la contrepartie de Québec s’élèvera à 75 % du montant reçu (ou 75 ¢ pour chaque dollar en don). Quant aux gros cégeps, le gouvernement limite sa contribution à 50 ¢ pour chaque dollar perçu.
Selon Bernard Tremblay, cette mesure vise à corriger un problème identifié par la firme comptable Deloitte dans une étude remontant à novembre 2017. Celle-ci révélait que les fondations des 48 cégeps ne recevaient que 16 millions en dons par année, alors que les fondations des 18 universités en collectaient 12 fois plus. « Deloitte avait conclu que la philanthropie était un levier de financement sous-exploité dans nos fondations », fait valoir M. Tremblay.
Le loup dans la bergerie ?
Cette politique budgétaire préoccupe la FNEEQ. « On n’est pas contre l’utilité des fondations et la philanthropie en général, dit Yves de Repentigny. Mais l’objectif du gouvernement avec ce programme est de soutenir la persévérance et la réussite des étudiants. Ça devrait être la mission première du cégep, pas celle d’une fondation dirigée par un conseil d’administration à part qui décide des missions et des priorités. Et il ne faut pas se le cacher, les entreprises vont demander autre chose en retour [de leur don]. C’est déjà commencé. »
Bernard Tremblay s’insurge quant à lui contre ce qu’il qualifie de « hantise de la marchandisation » : « Les fondations ne financent pas les cégeps, mais les étudiants, à travers des bourses d’excellence et de mérite, le financement de sorties scolaires et les fonds d’extrême nécessité aux étudiants en détresse financière. Ce sont elles qui ont financé l’achat d’ordinateurs en catastrophe pendant la pandémie. »
Selon lui, le débat est strictement philosophique : « En attendant de remettre en question tout le principe de la philanthropie, le réseau de la santé collecte des dons, les universités aussi. Quel est le mal à ce que les cégeps prennent leur part ? »
Nouvelle approche
L’instauration du programme Placements Cégeps coïncide avec la création d’une nouvelle structure également inspirée des universités : le Regroupement des fondations collégiales.
« Le but est de se structurer pour faire de la sollicitation conjointe auprès des grands donateurs, auxquels nous n’avons pas accès actuellement, dit Bernard Tremblay, p.-d.g. de la Fédération des cégeps. Les fondations de cégeps recueillent les dons des anciens, du personnel et des petits commerces locaux. Les Caisses populaires, les banques locales, les magasins donnent généreusement à leur cégep, mais aucun établissement n’a accès à l’enveloppe philanthropique du Mouvement Desjardins. C’est la même histoire avec les banques ou les grandes chaînes de distribution. Hydro-Québec ne donne pas un sou aux cégeps, alors qu’on forme leurs techniciens. Ni la SAQ. » Cette structure commune ouvrira les portes de ces grandes institutions, qui ne traiteront qu’une seule demande de don pour les 48 établissements. Les sommes reçues seront ensuite réparties à toutes les fondations participantes selon une formule établie. Et ce montant serait éligible à la subvention de contrepartie prévue dans Placements Cégeps, explique Bernard Tremblay. « On ne veut pas être en concurrence avec les universités, dit-il. On veut juste notre part des budgets nationaux de philanthropie. »
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