Décentralisation du programme de médecine vétérinaire
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur
D’ici 2026, le quart des médecins vétérinaires traitant les animaux de ferme seront en âge d’embrasser la retraite, selon les données du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Le nombre de nouveaux diplômés ne suffira pas à pallier ces départs, et la pénurie de soignants se montre déjà criante. Il faut donc en former davantage, et vite. Pour accélérer le pas, l’Université de Montréal (UdeM) offrira son programme de doctorat à Rimouski à la rentrée 2024.
La province ne compte qu’une faculté de médecine vétérinaire, celle de l’UdeM. Seuls 96 profils sont admis au doctorat chaque année, même si plus de 1000 candidatures ont été reçues en 2022. « On a déjà augmenté le nombre d’étudiants. Notre campus situé à Saint-Hyacinthe est vraiment à sa capacité d’accueil maximale », affirme Christine Theoret, doyenne de la faculté.
Pour remédier à ce défaut d’espace, le programme de médecine vétérinaire sera décentralisé vers l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Tous les ans, 25 jeunes de plus apprendront les rudiments du métier dans le Bas-Saint-Laurent, une augmentation de 26 %.
Des réaménagements permettront de recevoir la première cohorte à l’automne 2024, en attendant qu’un nouveau pavillon soit construit. Les aspirants y suivront leurs trois premières années de doctorat, avant d’entamer la quatrième dans les installations de Saint-Hyacinthe. La cinquième, la dernière, se déroule sur le terrain, en stage.
Le recteur de l’UQAR, François Deschênes, aborde cette collaboration interuniversitaire avec beaucoup d’enthousiasme : « La Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM est à la fine pointe, elle compte de grands chercheurs. Ici, notre expertise est vraiment complémentaire, on a des scientifiques qui examinent la faune aquatique, marine et terrestre à travers notre Département de biologie ou notre Institut des sciences de la mer. »
« Le maillage, le mariage de nos spécialités amènera des avenues intéressantes dans l’observation et la compréhension des écosystèmes, dont tous les animaux font partie », poursuit celui qui imagine la mise en place d’un nouveau pôle de recherche interdisciplinaire.
Attirer des praticiens en région
Loin des centres urbains, les médecins vétérinaires se font encore plus rares, alors que leur expertise est réclamée sur les fermes. Dans le sud-est du Québec, qui regroupe le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, par exemple, seuls 41 spécialistes sur les 2757 que compte le Québec soignent les grands animaux d’élevage, comme les boeufs, les chèvres et les moutons.
« La majorité des étudiants viennent de la ville ; ils ne connaissent peut-être pas bien les milieux ruraux et manquent d’appétit pour s’y installer, explique Christine Theoret. On prend le pari que les jeunes formés à Rimouski vont y rester ou déménager ailleurs en campagne, car ils seront exposés aux avantages », estime la doyenne.
« Dans les zones éloignées, les médecins vétérinaires développent une relation unique avec leurs clients. C’est ce que les étudiants aiment. Quand on fait de la pratique pour les grands animaux, on retourne régulièrement sur les exploitations, on finit par connaître les éleveurs, mais aussi la famille, leurs enfants, lesquels forment parfois la relève, les futurs clients », souligne-t-elle.
« Ceux qui viennent à Rimouski y demeurent, les données le montrent, soutient François Deschênes. « Le milieu de vie a de quoi plaire : pas de trafic et des activités en plein air. À 10 minutes, on est dans les pistes de ski de fond, au Parc national du Bic ou sur le bord du fleuve. Et dans nos petites classes, l’enseignement se fait à l’échelle humaine », énumère-t-il fièrement.
Depuis 2019, la MAPAQ propose aux étudiants en médecine vétérinaire des stages incitatifs de 4 à 12 semaines au coeur de l’industrie bioalimentaire. Le ministère garantit une aide financière pouvant atteindre 11 700 $ par année, et ce montant est bonifié de 15 % si l’apprenti se rend dans les territoires particulièrement touchés par la pénurie : l’Abitibi-Témiscamingue, la Capitale-Nationale, la Côte-Nord, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, les Laurentides et l’Outaouais.
« C’est extrêmement populaire ! On a l’impression que ça porte ses fruits, mais on a peu de données pour le moment », précise Christine Theoret. On sait qu’en 2021, 13 nouveaux diplômés ont décidé de travailler avec les animaux de la ferme : parmi eux, 11 avaient réalisé un stage.
Pour former davantage de médecins vétérinaires, Québec prévoit une enveloppe de 101 millions de dollars, permettant notamment de réaliser la décentralisation du programme et trois projets d’infrastructures sur le campus de Saint-Hyacinthe, dont la création d’un centre de simulation et de réalité virtuelle vétérinaire.
L’UdeM étudie d’autres solutions qu’elle pourrait apporter à la crise. Elle souhaite mettre en place un certificat pour les médecins étrangers dont l’expertise n’est pas reconnue au Québec, lequel pourrait aussi voir le jour en 2024.
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