L’Université de Sudbury, plus près de son but d’ouvrir ses portes

La première levée du drapeau franco-ontarien, à l’Université de Sudbury, en 1975
Université de Sudbury La première levée du drapeau franco-ontarien, à l’Université de Sudbury, en 1975

À l’approche du Jour des Franco-Ontariens, célébré dimanche, l’Université met la dernière main à ses démarches pour offrir des cours en tant qu’établissement fondé « par et pour » les francophones. L’Université de Sudbury, où le drapeau franco-ontarien flotte depuis 1975, a récemment soumis de la documentation à une commission d’évaluation indépendante de façon à pouvoir bientôt, espère-t-elle, ouvrir ses portes aux étudiants.

Le recteur, Serge Miville, affirme que la communauté francophone de Sudbury « n’a jamais été aussi près » d’obtenir l’université dont elle rêve depuis un siècle, soit un établissement autonome, public, de langue française. Depuis le début de son existence, il y a plus de 100 ans, l’université est associée à d’autres établissements, dont l’Université Laurentienne, à l’exception d’une période de trois ans. L’entente avec la Laurentienne a toutefois pris fin en 2021, lorsque cette dernière s’est mise à l’abri de ses créanciers et a dissous l’entente.

L’Université de Sudbury a alors amorcé une transformation pour survivre et devenir entièrement francophone. « On est la première institution à dire : nous cesserons d’être bilingues et nous deviendrons de langue française », explique Serge Miville, historien de formation. En ce sens, le projet de l’Université est emblématique de la philosophie du drapeau vert et blanc, qui représente notamment l’autonomisation de la communauté franco-ontarienne. Le recteur pense pouvoir contribuer à cette autonomisation.

Pour y arriver et pour obtenir du gouvernement provincial le statut d’institution appuyée par les fonds publics nécessaires à l’octroi de diplômes, l’Université doit toutefois passer par un processus d’approbation rigoureux. Le 22 août, elle a soumis à la Commission d’évaluation de la qualité de l’éducation postsecondaire (CEQEP) un document crucial pour ce processus.

La CEQEP est un organisme ontarien indépendant qui évalue, entre autres, la capacité des universités à offrir des cours avant de faire des recommandations à la ministre des Collèges et Universités. C’est la ministre qui a le dernier mot.

Le document soumis détaille la capacité administrative de l’établissement à accueillir des étudiants. Cela précède un processus d’évaluation avec des experts indépendants qui analysent le dossier, puis produisent un rapport d’évaluation. La direction de l’université y répondra à son tour, puis l’enverra au conseil d’administration de la CEQEP. Serge Miville, invoquant la confidentialité du processus, préfère ne pas commenter son évolution, si ce n’est pour affirmer qu’il est « vraiment satisfait de là où l’Université est rendue ».

Vendredi après-midi, le CEQEP a informé Le Devoir qu’il avait envoyé son rapport au ministère des Collèges et Universités, qui décidera alors du sort de l’université en fonction de ce texte.

Coûts financiers de la rupture

 

D’après Serge Miville, le statut que pourrait octroyer la province à l’Université de Sudbury — si elle est satisfaite de l’évaluation de la CEQEP — lui permettrait d’obtenir un financement provincial, et ainsi de pouvoir livrer des programmes de qualité. Le recteur affirme que la communauté souhaite que l’université obtienne ce statut et ne soit pas une université privée. Cependant, la situation financière de l’établissement telle que décrite dans la soumission témoigne aussi de l’importance des fonds publics.

La dissolution de l’entente qui unissait l’Université de Sudbury à l’Université Laurentienne jusqu’en 2021 a « abruptement coupé » le financement de l’établissement, lit-on dans le document de soumission à la CEQEP. Pour l’aider dans ses efforts de transformation, le gouvernement fédéral a accordé 1,9 million de dollars à l’Université au mois de mars. Le montant était destiné au développement d’un plan d’affaires et à l’appui de l’établissement dans le processus de la CEQEP. Le fait d’avoir obtenu ce montant « n’est pas banal », affirme Serge Miville en entrevue. « Ce sont des accomplissements réels », dit-il.

Dans sa soumission, l’Université fait valoir qu’elle a démontré sa capacité administrative depuis sa fondation en 1913. Elle note, entre autres choses, s’être dotée d’une « politique sur la liberté académique », « qui reconnaît et protège les droits des individus dans la poursuite des connaissances sans craindre de représailles de la part de l’organisation ». L’Université a aussi maintenant une politique d’évaluation organisationnelle, qui prévoit une évaluation de ses processus et politiques administratives tous les sept ans.

Serge Miville a une communauté entière derrière lui pour l’appuyer dans ses efforts, des personnes travaillant sur le dossier depuis 50 ans aux étudiants franco-ontariens. « On gagnerait à éviter l’exode des jeunes francophones du Nord », affirme Marie-Pierre Héroux, une étudiante de l’Université d’Ottawa dont le programme à la Laurentienne a été aboli en 2021. « L’avenir dira où on sera lors du prochain Jour des Franco-Ontariens, indique Serge Miville. Moi, je suis très heureux et satisfait de là où on est rendus. »

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

L’Université de Hearst, un exemple d’autonomie

L’Université de Sudbury peut regarder vers le nord si elle est en quête d’inspiration. La semaine dernière, l’Université de Hearst célébrait en effet son autonomie, acquise en avril 2021, mais aussi sa nouvelle identité visuelle. Le recteur, Luc Bussières, pensait célébrer ce changement dimanche, à l’occasion de la fête des Franco-Ontariens, mais il a préféré attendre un jour de semaine pour attirer le plus grand nombre de dignitaires possible.

Comme l’Université de Sudbury, l’Université de Hearst était elle aussi associée à l’Université Laurentienne jusqu’en 2021. Elle n’était toutefois pas fédérée, et avait donc une pleine autonomie financière. L’autonomie a une grande importance symbolique, selon Luc Bussières. « On peut choisir nos partenaires, et on a aussi un financement plus important grâce à l’indépendance », explique-t-il. Elle pourra aussi créer ses propres programmes sans avoir à obtenir l’approbation des autorités de la Laurentienne.



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