Des jeunes exclus d'une concentration de basketball à la dernière minute

Quatre jeunes qui s’apprêtaient à commencer leur 1re secondaire dans une concentration de basketball avec une bonne réputation à Montréal ont appris à la dernière minute, lundi, qu’ils ont été exclus. Une situation que déplore le directeur du programme, qui milite activement pour que cette situation ne se reproduise plus et qui interpelle le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.
Sara Badrelama, 12 ans, s’était préparée tout l’été. La jeune fille de 1 mètre 71, que Le Devoir a rencontrée chez elle dans un quartier modeste de Laval, participait assidûment aux camps et aux entraînements pour se préparer au programme de basketball de Lucien-Pagé, une école secondaire publique montréalaise. Pour finalement apprendre cette semaine qu’elle devra plutôt se résigner à aller à son école de quartier.
« J’étais vraiment déçue quand j’ai appris que je ne pouvais pas aller à Lucien-Pagé, parce que le but de mon entraînement cet été était d’avoir un bon niveau. À mon école de quartier, je ne sais pas s’il y a une équipe féminine, et je sais que ça ne va pas m’apporter la même chose, dit-elle. À mon école primaire, j’étais la seule fille qui jouait au basket, ajoute-t-elle. Je n’avais personne avec qui partager cette passion, alors qu’à Pagé, c’est différent. »
Elle participait pourtant au programme depuis l’année dernière, en sixième année, celui-ci étant ouvert aux jeunes de Montréal et d’ailleurs à partir de cinq ans. Elle jouait dans une équipe compétitive aux couleurs du programme.
« Sa mère et moi avons remarqué un grand changement quand elle a commencé à jouer. Avant, elle ne s’intéressait pas à l’école », raconte Salahdine Badrelama. Sa fille se sentait différente à cause de sa grande taille et jouer la fait se sentir plus normale. Le programme est abordable, ajoute-t-il, et il n’a pas l’argent nécessaire pour l’inscrire à l’extérieur de l’école.
Recevoir l’appel lundi l’a déçu. Il explique que, comme la famille réside à Laval, sa fille est considérée comme une élève « extraterritoriale ». Les règles prévoient que son inscription doit être annulée si l’école est pleine.
Élèves défavorisés discriminés
La situation étonne Alder Pierre, directeur du programme Pagé Basketball depuis 14 ans. Il peut recevoir 28 élèves et, en date de mercredi matin, seulement 22 étaient inscrits, sans compter les quatre étudiants extraterritoriaux exclus récemment.
« Peu importe leur situation financière ou leur provenance culturelle, ça leur donnait accès à un programme de haut niveau d’élite, comparable au sport-études », déplore-t-il. Le programme qu’il coordonne existe depuis près de 30 ans et est appuyé par Basketball Québec.
« La spécificité de notre programme, c’est qu’on a un encadrement structuré. Les jeunes ont des périodes d’étude, des comptes à rendre et des règles à suivre, souligne le directeur. Les jeunes comme Sara sont discriminés parce qu’ils n’ont pas la chance d’aller au privé ou dans un programme de sport-études. Il faut leur donner la chance d’avoir accès à de bons services dans une école publique. »
Le père de Sara a envoyé mardi un message à différentes personnes du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) pour que la décision soit reconsidérée. Mais la réponse, « sèche » et impersonnelle, l’a déçu. « C’est comme si les adolescents étaient des chiffres », laisse-t-il tomber.
C’est la deuxième fois en trois ans qu’Alder Pierre fait face à la règle concernant les élèves extraterritoriaux. Il a donc décidé de se battre bec et ongles pour obtenir une dérogation à la politique d’admission pour le programme de basketball de l’école Lucien-Pagé et pour rendre la politique sur les élèves extraterritoriaux « plus humaine ». Il a notamment écrit au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, mardi.
« Il faudrait que des concentrations sportives soient reconnues au ministère et de façon officielle dans les centres de services scolaires, pense-t-il. Ça enlèverait la règle sur la localisation des élèves. »
Celui qui a grandi à Montréal-Nord a lui-même fréquenté l’école Lucien-Pagé et il se reconnaît dans ces jeunes. « J’ai eu ce que, aujourd’hui, je veux redonner. Si cette règle avait été en place, je n’aurais pas pu y aller », laisse-t-il tomber.