Deux professeurs de l’Université Laval suspendus pour leurs propos sur les vaccins

Danielle McCann estime que «ces situations à l’Université Laval viennent confirmer qu’il était nécessaire de légiférer à ce sujet».
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Danielle McCann estime que «ces situations à l’Université Laval viennent confirmer qu’il était nécessaire de légiférer à ce sujet».

La suspension de deux professeurs de l’Université Laval (UL) pour leurs propos sur les vaccins contre la COVID-19 ramène à l’avant-plan la question de la liberté universitaire, alors qu’une loi pour mieux la protéger a été adoptée en juin. Cette situation vient confirmer l’importance de celle-ci, estime la ministre de l’Enseignement supérieur, qui invite les universités à s’y conformer rapidement.

Patrick Provost, professeur au Département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval et spécialiste de l’ARN, a été suspendu sans salaire pour une durée de huit semaines à la mi-juin à cause de propos allant à l’encontre du consensus scientifique sur les vaccins à ARN messager de Pfizer et de Moderna.

Un deuxième professeur de biologie, Nicolas Derome, aurait lui aussi été suspendu huit semaines sans salaire, selon ce qu’a rapporté le quotidien Le Soleil, pour des raisons très similaires. Il n’a pas répondu aux messages du Devoir.

Dans une déclaration écrite envoyée au Devoir par son cabinet en réponse à une demande d’entrevue, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, indique que « ces situations à l’Université Laval viennent confirmer qu’il était nécessaire de légiférer à ce sujet ». Elle invite « l’Université Laval et toutes les autres à procéder le plus rapidement possible » pour se conformer à la loi adoptée en juin sur la liberté en contexte universitaire.

« La loi prévoit que chaque université doit, d’ici un an, rédiger une politique et mettre en place un comité chargé de surveiller la mise en oeuvre de la politique et d’examiner les plaintes portant sur la liberté d’enseignement », dit-elle. « La loi précise également que cette liberté s’exerce en conformité avec des normes de rigueur scientifique », ajoute-t-elle.

L’Université Laval n’avait pas encore envoyé sa réaction au moment de l’écriture de ces lignes. De son côté, le Bureau de coopération interuniversitaire n’a pas voulu commenter.

Un « test important » sur la liberté universitaire

Si certains ont applaudi la décision de l’université, le Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL) a de son côté déposé un grief pour défendre Patrick Provost.

« Quand on dit quelque chose qui n’a pas de sens sur le plan scientifique ou factuel, ce sont les collègues qui vont rabrouer lourdement, affirme en entrevue au Devoir le président du SPUL, Louis-Philippe Lampron, qui est également professeur de droit à l’Université Laval. Quand c’est l’université qui sanctionne, cela nous apparaît très problématique. »

« Ils gèrent cela comme une situation de vol d’idée ou de plagiat et, pour nous, c’est un détournement. Ce n’est pas un enjeu d’intégrité à la recherche », dit-il.

Sans être en mesure de commenter ou de confirmer le cas de Nicolas Derome, M. Lampron mentionne que « le curseur est placé à la même place pour tout professeur qui serait placé dans une situation comparable à celle de Patrick Provost ».

« Dans notre cas, avant l’adoption de la loi, on faisait partie des universités qui avaient la définition la plus robuste de la liberté d’enseignement », précise-t-il. Celle-ci est largement définie dans la convention collective et reprend les grands éléments de l’article 3 de la loi 32. « Mais l’adoption d’une loi qui en a une conception robuste, ça rajoute des arguments en faveur du grief que nous avons déposé », dit-il.

Ce ne sont pas tous les professeurs qui sont protégés par une convention collective, d’où l’importance de mettre en oeuvre au plus vite la loi dans les universités, estime Yves Gingras, directeur scientifique de l’Observatoire des sciences et des technologies à l’Université du Québec à Montréal. Il a aussi siégé à la commission Cloutier, qui portait sur la liberté universitaire.

Il se réjouit de la réaction de la ministre, qui invite les universités à agir rapidement pour se conformer à la loi notamment par la mise en place d’un comité qui entendra les plaintes.

« Quand on est syndiqués, le syndicat doit accepter de faire un grief, ce qui a été le cas dans ce cas-ci, dit-il. Mais certains syndicats refusent de défendre les professeurs […] Il y aura deux portes ouvertes pour les syndiqués, et une seule porte pour les non-syndiqués », renchérit-il.

Louis-Philippe Lampron, qui est également spécialiste des droits et libertés de la personne, n’a pas connaissance de situation comme celle de Patrick Provost qui aurait été traitée devant le Tribunal administratif du travail. « Ce serait donc une première, dit-il. C’est un test important sur la liberté universitaire. »

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