Québec dit non à un protecteur de l’élève autochtone

Le ministre Roberge soutient que le protecteur national de l’élève serait en mesure d’adapter les services aux réalités locales, y compris celles des Autochtones.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le ministre Roberge soutient que le protecteur national de l’élève serait en mesure d’adapter les services aux réalités locales, y compris celles des Autochtones.

Le gouvernement Legault a rejeté mardi une proposition visant à renforcer la protection des élèves autochtones, qui peinent à faire valoir leurs droits dans un système scolaire toujours considéré « colonialiste » malgré des avancées récentes.

Les élus de la Coalition avenir Québec (CAQ) ont défait une proposition d’ajout d’un protecteur de l’élève autochtone au projet de loi 9, qui met en place un Protecteur national de l’élève. Le Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN) et les partis de l’opposition ont dénoncé une « occasion ratée de faire un geste de réconciliation » envers les Autochtones.

« On dit au ministre de l’Éducation : “Arrivez en 2022.” Ça fait plusieurs occasions qu’il a de démontrer un certain leadership en matière de réconciliation. On voit beaucoup de mots et peu d’action », a fait valoir Denis Gros-Louis, directeur général du CEPN.

La proposition de nouveau Protecteur national de l’élève a été généralement bien accueillie dans le milieu scolaire. Ce projet remplace l’ancien mécanisme, qui manquait de mordant pour véritablement veiller aux intérêts des élèves, de l’avis même du ministre Jean-François Roberge. Le nouveau protecteur national, épaulé par des protecteurs régionaux, pourra mener ses enquêtes en toute indépendance, fait valoir le ministre de l’Éducation.

Les Premières Nations ont toutefois mis au jour ce qu’ils considèrent comme un angle mort du projet de loi : « Nous avons constaté l’absence de toute mention ou recommandation visant la sécurisation culturelle et linguistique ou l’accompagnement des plaignants dans l’ensemble du projet de loi 9, tout particulièrement les élèves des Premières Nations et inuits qui fréquentent un établissement d’enseignement du réseau scolaire provincial (et leurs parents) », indique le mémoire du CEPN.

Sans services dans une langue autochtone et sans interprète, des parents auront des difficultés à recourir aux services du Protecteur. Ça ne fera qu’amplifier le sentiment de « vulnérabilité » des Autochtones face à un système scolaire conçu par et pour les Blancs, souligne le CEPN.

« En effet, le signalement d’une situation de violence, d’intimidation verbale ou physique, de discrimination ou de toute autre situation de préjugé en milieu scolaire place l’élève dans un contexte de détresse, et ce, sans compter des facteurs historiques propres aux personnes issues des Premiers Peuples comme le trauma intergénérationnel », précise le mémoire.

La commission Viens a pourtant recommandé aux autorités de « faire de la mise en œuvre des mesures de soutien à la persévérance scolaire et à la réussite éducative des élèves et enfants autochtones une priorité et [d’]y consacrer les sommes nécessaires », en consultant les Premières Nations.

Souplesse pour agir

 

Lors de l’étude détaillée du projet de loi 9, mardi en commission parlementaire, le ministre Roberge a fait valoir que le protecteur national de l’élève et ses adjoints régionaux auraient toute la latitude pour adapter leurs services aux réalités locales, y compris celles des Autochtones.

« Je ne pense pas que la solution soit dans la création d’un protecteur national ou régional exclusivement pour les nations autochtones. Je pense que la solution est dans les formations, dans la sensibilisation, dans les mandats qui seront donnés », a-t-il affirmé.

Le gouvernement a pu entreprendre un changement de culture dans les services de santé aux Autochtones « avec une loi qui était plus vieille », a ajouté le ministre de l’Éducation.

« Avec une loi qui est écrite après les événements malheureux [comme le décès de Joyce Echaquan], après l’éveil qu’on a eu au Québec, on va être capables de les faire, ces pas-là. Il ne faut pas être cynique, il ne faut pas penser que les choses ne se feront pas et qu’il y a des gens mal intentionnés », a-t-il précisé.

Un devoir incontournable

 

Les partis de l’opposition à Québec soutiennent que le ministre rate une occasion en or de créer une loi adaptée sur mesure aux exigences de réconciliation. « Je ne peux pas croire que le gouvernement adopte encore une stratégie “one size fits all” à l’égard des Premières Nations. C’est le nœud du problème depuis des décennies », dit la députée libérale Marwah Rizqy.

Compte tenu de son engagement à favoriser la réconciliation, le gouvernement devrait « systématiquement tenir compte des réalités autochtones dans les projets de loi qui s’y prêtent », ajoute Christine Labrie, de Québec solidaire. Elle rappelle que le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a pris l’initiative d’ouvrir au point de vue autochtone son projet de loi sur les services de garde éducatifs.

« Le gouvernement a entrepris la sécurisation culturelle des Autochtones en santé, c’est maintenant au tour de l’éducation », avance de son côté la députée péquiste Véronique Hivon, qui a suivi de près le drame de Joyce Echaquan, survenu dans sa circonscription de Joliette.

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