Québec a fait évaluer ses appareils de détection de plomb dans l'eau après les avoir achetés

Le ministère de l’Éducation a acheté les appareils de détection du plomb dans l’eau des écoles, sans appel d’offres et au coût de 1,7 million de dollars, avant même d’avoir en main une évaluation de leur performance, indiquent des documents déposés à l’Assemblée nationale.
La fiabilité incertaine de ces instruments de mesure appelés Kemio Heavy Metals a donné lieu à de nouveaux débats parlementaires, mercredi. La députée libérale Marwah Rizqy a déposé des courriels internes des ministères de l’Éducation et de l’Environnement qui démontrent que les appareils ont été évalués après leur acquisition — et non avant.
« Le ministre de l’Éducation doit refaire ses devoirs », dit la députée Rizqy. Elle a relayé mercredi une demande de l’Ordre des chimistes du Québec de reprendre en laboratoire les tests, menés avec l’appareil contesté, ayant conclu que l’eau des écoles est conforme. L’Ordre réclame une motion de l’Assemblée nationale visant à reprendre les tests à risque d’être de « faux négatifs ».
L’instrument acquis par le gouvernement manque de précision, selon une étude indépendante menée par des scientifiques de la Ville de Québec, révélée la semaine dernière par Le Devoir : 43% des mesures faites à l’aide de cet appareil ont sous-évalué ou surestimé la présence de plomb dans l’eau ; 11% des données ont été qualifiées « d’aberrantes» par rapport à la moyenne des résultats.
Le gouvernement n’a pas pris toutes les mesures requises pour s’assurer de la validité des tests de dépistage, a martelé mercredi Marwah Rizqy, courriels à l’appui. Le contrat pour l’achat des appareils Kemio Heavy Metals a été signé le 13 décembre 2019. Or, la directrice des infrastructures du ministère de l’Éducation, Nancy Klein, s’est informée un an et demi plus tard, en juin 2021, de la fiabilité des instruments de mesure du plomb dans l’eau.
« Suivant l’analyse de l’appareil par votre équipe, pourriez-vous me confirmer que l’utilisation des appareils Kemio Heavy Metals peut être une méthode adéquate dans un contexte de dépistage du plomb dans l’eau dans les écoles du Québec? », a-t-elle écrit le 17 juin 2021 au directeur du Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec (CEAEQ), Louis Martel.
Celui-ci a répondu un mois plus tard, le 12 juillet 2021, que son équipe a évalué « au début de l’année 2020 » les performances de cet appareil portatif. « Les résultats de notre évaluation démontrent que la méthode analytique utilisant l’appareil Kemio Heavy Metals peut être utilisée pour déterminer la concentration de plomb dans des échantillons d’eau potable dans un contexte de dépistage », a écrit Louis Martel.
Conséquences graves
La députée Marwah Rizqy a talonné le gouvernement en rappelant les conséquences graves de la présence de plomb dans l’eau : ce métal affecte le développement du cerveau des enfants et peut réduire leur quotient intellectuel d’une valeur oscillant entre un et trois points de pourcentage. « L’appareil a été acheté en décembre 2019. Les tests ont été faits en 2020. Pourquoi avoir attendu un an et demi pour vérifier si, oui ou non, c’était le meilleur test ? », a-t-elle lancé mercredi lors de la période de questions.
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a rappelé que le gouvernement a consulté dès le début du processus d’acquisition un comité d’experts piloté par la professeure Michèle Prévost, titulaire de la Chaire de recherche industrielle en eau potable de Polytechnique Montréal, considérée comme une sommité dans son domaine. L’intervention du CEAEQ est venue par la suite, en appui à toutes les démarches déjà entreprises pour valider l’appareil.
Mme Prévost a convenu que les instruments choisis par Québec sont moins précis que les analyses menées en laboratoire, mais restent fiables pour « dépister » la présence de plomb dans l’eau. Le but est de corriger rapidement les fontaines et les robinets problématiques, a souligné la professeure.
« On a la certitude que dans toutes les écoles du Québec, les fontaines d’eau, les prises d’eau potable ont été testées. Celles qui étaient problématiques ont été fermées. Contrairement à l’ère libérale, il n’y a plus personne qui s’abreuve avec de l’eau qui dépasse les normes en termes de concentration de plomb. C’est réglé », a fait valoir le ministre Roberge.