La réforme du Protecteur de l’élève est-elle politisée?

Pierre-Yves Robert
Collaboration spéciale
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, souhaite retirer le Protecteur de l'élève des centres de services scolaires.
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, souhaite retirer le Protecteur de l'élève des centres de services scolaires.

Ce texte fait partie du cahier spécial École publique

La réforme du Protecteur de l’élève est prévue « quelque part cet automne » par un projet de loi qui sera déposé lors de la présente session parlementaire, indique le cabinet du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge. Un dépôt qui se fait attendre depuis longtemps, ce qui inquiète de nombreux parents qui craignent une « politisation » de cette réforme.

À l’automne 2020, le ministre Roberge se donnait « encore deux ans », soit d’ici la fin du mandat caquiste, pour réformer le Protecteur de l’élève. L’intention est claire : améliorer une institution jugée inefficace, que le ministre Roberge souhaite nationale et indépendante des centres de services scolaires.

Douze mois plus tard, la pression s’accentue pour que cette réforme occupe le devant de la scène, d’autant plus que Jean-François Roberge a appuyé une motion, l’an dernier, qui réclamait le dépôt du projet de loi avant juin 2021.

Le 16 septembre, la députée solidaire Christine Labrie demandait même formellement la démission du ministre Roberge, prétextant une rupture du lien de confiance entre lui et le réseau scolaire. Dans la foulée, Québec solidaire (QS) dévoilait une plateforme numérique « pour lanceurs d’alerte », dans laquelle parents d’élèves et personnel scolaire peuvent soumettre, de façon anonyme, toute situation problématique vécue dans les écoles afin de « faire bouger les choses ».

Si ce bris du lien de confiance n’est pas irrévocable, la situation qui prévaut fait craindre une « politisation » de cette réforme réclamée depuis longtemps, explique Kévin Roy, président et porte-parole de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ).

« Les élections arrivent dans un an, mais on voudrait que ce dossier soit réglé bien avant et non que la réforme devienne un enjeu électoral », dit-il. Mais entre les délais qui s’étirent à la CAQ et la plateforme numérique de QS, « ce qu’on voit, c’est une politisation du dossier, et ce n’est pas idéal de politiser le bien-être de nos enfants », estime Kévin Roy.

Une question de confiance

 

De l’avis de la FCPQ, les revendications des différentes parties — parents, enseignants et directions — sont « proches », signe que le dossier mériterait d’avancer plus rapidement au lieu que les délais contribuent à « effriter la confiance envers le système ». Du lot, tous souhaitent un Protecteur de l’élève proactif, capable d’offrir plus que des recommandations. Mais l’attribution de réels pouvoirs traîne. « On parle souvent de persévérance dans le monde scolaire, et c’est la même chose avec ce processus de réforme », indique Kévin Roy.

Cette confiance ébranlée, on la ressent également à l’organisme Je protège mon école publique (JPMEP), qui souhaiterait que le ministre de l’Éducation puisse « admettre l’existence d’un problème » plutôt que de « se battre pour faire un point politique », indique Patricia Clermont, porte-parole du mouvement. Elle rappelle l’adoption de la loi 40 sous bâillon et le dossier de la qualité de l’air dans les écoles, où le gouvernement a par deux fois semblé se sentir « menacé par l’opposition qui pose des questions ».

Selon Patricia Clermont, l’approche de la CAQ s’apparente à une « culture comptable », dans laquelle la commission scolaire et les centres de services doivent « être efficaces » .Résultat : un système « déshumanisant » du traitement des plaintes, dans lequel les parents sont trop souvent laissés à eux-mêmes. Pour redresser la barre, « c’est un travail gouvernemental proactif et non partisan qui doit être fait », estime la porte-parole.

Des parents perdus dans le processus

 

Au cœur des revendications se trouvent les parents, porte-parole des enfants, autour desquels devrait s’articuler l’esprit de la réforme du Protecteur de l’élève, estime Patricia Clermont. Elle déplore que les parents soient trop souvent démunis, sans accompagnement ni accès direct à l’information pour déposer les plaintes.

Ce qu’on aimerait, c’est que les parents puissent faire appel au Protecteur de l’élève directement, que celui-ci soit la porte d’entrée du processus, comme un ombudsman

 

Présentement, « les parents doivent se démener, ils s’épuisent, puis on les perd. Les professeurs ont des syndicats, ils sont représentés, mais le parent qui formule une plainte est seul face à la direction dans ses démarches. La réforme doit offrir un accompagnement, pour que les parents n’aient plus à se sentir otages de la direction d’une école », affirme Patricia Clermont.

Pour l’heure, ce processus de plainte est un procédé long et fastidieux. Kévin Roy le compare à « une course à obstacles pour les parents ». À la FCPQ, depuis trois ans, ce sont près de 30 % des appels reçus qui sont liés aux recours disponibles pour les parents, des statistiques en hausse depuis le début de la pandémie.

« Ce qu’on aimerait, c’est que les parents puissent faire appel au Protecteur de l’élève directement, que celui-ci soit la porte d’entrée du processus, comme un ombudsman », explique Kévin Roy. Ce faisant, le Protecteur de l’élève deviendrait « accessible, disponible, transparent et aurait un poids réel pour améliorer la situation des jeunes ».

Avec un Protecteur de l’élève indépendant et bien en selle, « on serait dans une culture différente, loin de l’impression actuelle d’obéissance au ministère », ajoute Patricia Clermont.

« Pour offrir plus de services, il faut accepter d’entendre plus de plaintes et faciliter les moyens qu’ont les parents pour communiquer leurs inquiétudes, conclut la porte-parole. Il ne faut pas un Protecteur de l’élève qui soit redevable à un ministre, il faut une institution indépendante capable d’écouter les besoins des parents et de communiquer ces besoins en haut lieu. »

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