Trop complexe, la langue française?

Jean-Benoît Nadeau
Collaboration spéciale
Selon la Fédération des cégeps, le français joue un rôle dans le taux de diplomation des cégeps francophones puisque les étudiants sont pénalisés pour leurs fautes dans toutes les matières.
Photo: Alain Jocard Agence France-Presse Selon la Fédération des cégeps, le français joue un rôle dans le taux de diplomation des cégeps francophones puisque les étudiants sont pénalisés pour leurs fautes dans toutes les matières.

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur

Les cégeps francophones ont un sérieux problème de diplomation. En sciences de la nature, à Montréal, 34 % de leurs étudiants décrochent du DEC en deux ans, et le taux monte à 73,4 % en quatre ans. Dans les trois cégeps anglophones de la métropole, les taux varient de 63,4 % à 90,4 %. En sciences humaines, l’écart est moindre, mais encore considérable.

« On a mis 20 ans d’effort pour améliorer les choses et ça stagne », dit Bernard Tremblay, p.-d.g. de la Fédération des cégeps. Son nouveau rapport La réussite au cégep pose ouvertement la question du rôle du français dans cette situation. « On ne veut surtout pas revoir les critères à la baisse, mais il faut avoir la franchise de nommer les choses si, en effet, la diplomation est freinée par la qualité de la langue. »

Peut-être aussi que ce sont les attentes qui sont démesurées. On apprend le français toute sa vie.

 

Dans une lettre cinglante publiée dans Le Devoir le 20 septembre, le philosophe et essayiste Réjean Bergeron accusait Bernard Tremblay de promouvoir l’enseignement des correcteurs orthographiques plutôt que celui de l’orthographe et de la grammaire. « Les logiciels ne seront qu’une solution parmi d’autres. Nous ne faisons que commencer à étudier le problème. Je refuse de jeter la pierre au niveau secondaire. Réjean Beaulieu a raison de dire qu’il faut un grand chantier sur la langue. Mais nous, au niveau collégial, qu’est-ce qu’on peut faire à notre niveau ? »

Dans la longue liste de ses recommandations, la Fédération propose, outre les correcteurs orthographiques, de mieux encadrer les centres d’aide au français (dont le travail n’a pas été largement évalué) et de favoriser un enseignement explicite autour des stratégies de révision et de correction.

« Peut-être aussi que ce sont les attentes qui sont démesurées. On apprend le français toute sa vie. J’ai 55 ans et j’en apprends encore. Est-il raisonnable de s’attendre à ce que tous nos étudiants qui arrivent du secondaire maîtrisent le français à la perfection ? »

Tout n’est pas noir. L’épreuve uniforme de français comporte trois critères : la compréhension, la structure des textes et la maîtrise de la langue (orthographe, grammaire, syntaxe, vocabulaire). Quand on y regarde de près, on constate que les étudiants sont très forts en ce qui concerne les deux premiers critères. C’est le troisième, la maîtrise de la langue, qui les tire vers le bas.

Certaines comparaisons sont également éloquentes. Dans les établissements anglophones, le taux de réussite du premier cours d’anglais est de 12,6 points de pourcentage au-dessus du premier cours de français dans les établissements francophones. « C’est significatif. C’est peut-être un indicateur que quelque chose cloche. »

Le français joue certainement un rôle dans le taux de diplomation, d’autant qu’il est survalorisé puisque les étudiants sont pénalisés pour leurs fautes dans toutes les matières. « Est-ce qu’on valorise vraiment quand on pénalise pour tout ? »

Bertrand Tremblay admet qu’il n’a pas encore la réponse. « On commence tout juste à étudier la question, mais on ne sera pas capables de le faire correctement si on ne peut pas avoir une discussion sereine et factuelle sans condamnation automatique parce qu’on pose la question. » 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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