Réforme de la loi 101: le cégep en français, s’il vous plaît!

Jean-Benoît Nadeau
Collaboration spéciale
Des manifestants se sont rassemblés devant l’hôtel de ville de Montréal, le 28 novembre dernier, pour réclamer des actions concrètes pour freiner le recul du français au Québec.
Graham Hughes La Presse canadienne Des manifestants se sont rassemblés devant l’hôtel de ville de Montréal, le 28 novembre dernier, pour réclamer des actions concrètes pour freiner le recul du français au Québec.

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur

Libre choix au cégep : c’est ce qui résume la politique du gouvernement dans sa refonte de la loi 101. Néanmoins, le projet de loi 96 sur la « langue officielle et commune du Québec, le français », imposera aux établissements d’enseignement supérieur une série d’obligations nouvelles en matière de protection linguistique.

« Auparavant, il ne nous était rien demandé, à part le parcours scolaire obligatoire et l’épreuve uniforme de français, explique Bernard Tremblay, p.-d.g. de la Fédération des cégeps. Ce que préconise le projet de loi nous paraît dosé et équilibré, même s’il y a des choses à améliorer, selon nous. »

Tout part du constat que les établissements anglophones accaparent 17,5 % des places dans les cégeps alors que les Québécois de langue maternelle anglaise ne comptent que pour 8,7 % de la population.

Entre autres mesures, le gouvernement veut limiter le nombre de places dans les cégeps anglophones par attrition en les plafonnant à 8,7 % du total des nouvelles places créées chaque année.

De plus, il étendra l’épreuve uniforme de français aux cégeps anglophones. Enfin, les établissements francophones devront se limiter à 2 % de cours en anglais (autres que les cours d’anglais).

S’il est globalement d’accord avec l’esprit du projet de loi, Bernard Tremblay ira quand même se faire entendre le 5 octobre aux audiences publiques, notamment sur l’épreuve uniforme de français et sur le plafond de cours en anglais.

« Limiter les cours en anglais dans les cégeps est une bonne idée, mais on ne veut pas que la limite soit inscrite dans la loi. On préférerait que ce le soit par le règlement, dit-il. Ça prend de la flexibilité. Il faut quand même qu’on soit capable de répondre à la demande des employeurs. »

Une des vocations des cégeps, explique-t-il, est de préparer la main-d’œuvre au marché du travail, lequel exige de plus en plus le bilinguisme. Il donne l’exemple de Québec, où les nombreux sièges sociaux de compagnies d’assurances étendent leurs activités dans toute l’Amérique du Nord. « Elles nous demandent des employés capables d’expliquer les produits en anglais. Si on ne les accommode pas, elles vont délocaliser leurs centres d’appels. »

Élitisme par inadvertance

 

L’autre difficulté concerne l’élargissement de l’épreuve uniforme de français aux établissements anglophones. Seuls les ayants droit du système primaire et secondaire anglophone en seraient exemptés. Pour les francophones et les allophones fréquentant un cégep anglophone, il n’y aurait plus de passe-droit sur ce point.

Bernard Tremblay prévient que les établissements anglophones auront besoin de ressources afin de pouvoir enseigner le français en conséquence et qu’ils devront composer avec les effets que cela aura sur le reste de leur programmation.

« Mais ma crainte à moi, lance-t-il, c’est qu’on crée une nouvelle forme de snobisme, par inadvertance, en survalorisant les élèves francophones des cégeps anglophones. Imaginez : les étudiants francophones des cégeps anglophones vont avoir réussi l’épreuve uniforme de français et celle pour l’anglais également. On risque donc d’amplifier un élitisme déjà présent à travers les collèges privés et les programmes de baccalauréat international. »

Bernard Tremblay se réjouit du fait que les établissements devront tous produire une politique linguistique. Mais celle des établissements anglophones devra obligatoirement statuer sur l’admissibilité des étudiants anglophones, qui devraient être les premiers bénéficiaires d’établissements créés pour eux. « C’est une bonne chose que le gouvernement veuille mieux coordonner le réseau des cégeps francophones et anglophones », affirme-t-il.

Il espère aussi qu’on clarifiera ce qui est exigé des trois réseaux : public, privé subventionné et privé non subventionné. « Ma compréhension est que la loi va s’appliquer au public et au privé subventionné, mais qu’est-ce qui va arriver avec le privé non subventionné ? Ça nous inquiète beaucoup. » Le projet de loi prévoit encadrer la création de nouveaux cours en anglais dans les collèges privés subventionnés, mais il ne fixe pas de plafond.

Bernard Tremblay espère que le gouvernement ne perdra pas de vue qu’au-delà des mesures de protection, il doit conserver une approche diversifiée. « Pour défendre le français, il faut agir à la fois sur le plan de la loi, de l’éducation, de la justice, dans le marché du travail, auprès des employeurs, mais aussi à travers la culture. J’espère qu’on va lancer une vaste campagne de promotion et de diffusion de la culture francophone dans les cégeps. Même les cégeps anglophones sont demandeurs. Parce que créer un nouveau ministère et ajouter de nouvelles contraintes, ce n’est pas ça qui va stimuler le français au Québec. » 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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