Des bureaux pour prévenir la violence sexuelle en milieu universitaire

Caroline Rodgers
Collaboration spéciale
Plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés dans le centre-ville de Montréal, le 19 juillet 2020, pour dénoncer les violences sexuelles.
Mélodie Descoubes /Unsplash Plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés dans le centre-ville de Montréal, le 19 juillet 2020, pour dénoncer les violences sexuelles.

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur

En 2017, l’Enquête sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU) dressait un constat alarmant de la violence sexuelle dans les établissements d’enseignement supérieur, révélant que 36,9 % des répondants indiquaient avoir subi au moins un événement de violence sexuelle dans ce milieu.

Depuis, les établissements d’enseignement qui ne l’avaient pas encore fait se sont dotés de politiques et de bureaux de lutte contre les violences sexuelles. Ils se conformaient ainsi aux exigences de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur, adoptée sous le gouvernement Couillard en 2017.

Ces bureaux permettent aux membres de la communauté universitaire de signaler des problèmes et de porter plainte, et jouent également un rôle important de sensibilisation et de prévention. Depuis leur ouverture, avec, en plus, l’élan du mouvement #MeToo, les demandes ne font qu’augmenter.

36,9 %

C’est le pourcentage de répondants, particulièrement des répondantes, qui indiquent avoir subi une forme de violence sexuelle depuis leur arrivée à l’université, selon une enquête publiée en 2017.

« Prenons le cas où quelqu’un a été embrassé sans son consentement et viendrait nous voir, dit Ray Daher, conseiller au Bureau d’intervention et de prévention des conflits et de la violence (BIPCV) de Polytechnique Montréal. Si cette personne ne souhaite pas porter plainte, mais qu’elle a quand même besoin d’aide, on va lui offrir différentes possibilités, comme du coaching, de la médiation, une intervention dans une équipe ou un comité, un soutien psychosocial. Il est important de savoir que c’est cette personne qui garde le pouvoir décisionnel sur l’intervention. C’est une façon de rétablir son pouvoir en lui donnant le choix. Et dans le cas d’une plainte, cela peut évidemment mener à un processus disciplinaire et à des sanctions. »

Formation et sensibilisation

 

À Polytechnique Montréal, une formation obligatoire de 45 minutes est donnée aux nouveaux étudiants et employés pour leur faire connaître les ressources existantes et leur expliquer les concepts importants en matière de violence sexuelle. Ils apprennent aussi de quelle façon demander de l’aide et comment être un témoin actif.

« Quand on est témoin d’une situation, on peut changer le cours des choses si on sait comment agir, dit Ray Daher. C’est très important que les étudiants aient une mise à niveau de leurs connaissances au sujet des violences à caractère sexuel dès leur arrivée, parce que les huit premières semaines d’intégration de l’étudiant sont une période particulièrement à risque pour en subir. C’est pour cela qu’on mise sur une formation dès leur entrée. »

Une autre formation annuelle plus courte pour tous les membres de Polytechnique Montréal aborde différentes notions, par exemple la banalisation des violences.

 

« Quand on mentionne les violences sexuelles, on a tendance à penser aux formes objectivement les plus graves, mais la plupart des situations concernent des propos et autres aspects qui sont vus comme moins graves, mais n’en sont pas moins présents, qui ont tendance à passer sous le radar et qu’il ne faut pas pour autant banaliser. »

L’institution d’enseignement a également mis en place des formations spécifiques aux associations étudiantes, pour les intégrateurs, autrefois appelés les initiateurs, puisque les tristement célèbres initiations prennent maintenant le titre d’intégration, dans le but de les rendre plus respectueuses.

On a même lancé une vingtaine de bandes dessinées sur les violences sexuelles et d’autres questions ayant trait au respect des personnes. Un projet d’une durée d’un an.

Illustration: Bach L'une des images tirées des bandes dessinées

« Cette façon de vulgariser certaines notions est accessible à tous et permet de varier nos modes de diffusion pour atteindre un maximum de personnes », dit Ray Daher.

Un problème persistant malgré le confinement

 

À l’UQAM, le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement existe depuis plus de dix ans. Il offre également des formations obligatoires et des formations ciblées pour des groupes particuliers, comme les étudiants athlètes, les agents de sécurité, les gestionnaires.

« Notre bureau existe depuis plus de dix ans, mais, en 2019, nous avons révisé notre politique sur les violences à caractère sexuel pour nous doter d’une politique qui porte plus largement sur le sexisme et les violences sexuelles », indique Maude Rousseau, directrice du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement de l’UQAM.

En temps ordinaire, les situations de harcèlement ou de violence surviennent à l’occasion de fêtes étudiantes, de travaux d’équipes ou parfois même à l’extérieur de l’université, et entre étudiants et personnes enseignantes ne respectant pas le code d’éthique. Malgré la pandémie et le confinement, les harceleurs n’ont pas vraiment pris de vacances.

« Au cours de la dernière année, ce que nous avons vu, dans le contexte d’études à distance, c’étaient des comportements inappropriés, de l’exposition physique non désirée, des conversations insistantes et non souhaitées dans la fonction de clavardage privé, et même des intrusions dans des cours par des gens de l’extérieur qui ont mis en ligne des contenus inappropriés. »

Que dit la Loi ?

• La Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur a pour objet de renforcer les actions pour prévenir et pour combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur.

• À cette fin, elle prévoit la mise en oeuvre de moyens de prévention, de sensibilisation, de responsabilisation, d’accompagnement et d’aide aux personnes.

• Dans cette loi, la notion de violence à caractère sexuel désigne toute forme de violence commise par le biais de pratiques sexuelles, dont l’agression sexuelle.

• Cette notion s’étend également à toute autre inconduite qui se manifeste par des gestes, paroles, comportements ou attitudes à connotation sexuelle non désirés, y compris celle relative aux diversités sexuelles ou de genre, exprimés directement ou indirectement, y compris par un moyen technologique.

• Tout établissement d’enseignement doit établir une politique qui a pour objectif de prévenir et de combattre les violences à caractère sexuel.

• La politique doit tenir compte des personnes plus à risque de subir des violences à caractère sexuel, telles que les personnes issues des diverses minorités.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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