Les écoles Vision, ou la vision trilingue
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Écoles privées
Il était une fois deux Drummondvillois, Diane Doucet et Yvon Courcy, qui cherchaient un enseignement multilingue pour leurs enfants. Le hic : la Charte de la langue française n’autorise pas l’immersion en langue anglaise dans les écoles publiques ou privées subventionnées. Plutôt entreprenant, le couple a donc créé sa « petite école » privée non subventionnée. Leur vision : créer un environnement trilingue pour des élèves francophones qui apprendront à la fois l’anglais en immersion, le français langue maternelle et l’espagnol en langue seconde.
En 26 ans, la petite école Vision de Drummondville a donné naissance à un réseau de 13 écoles primaires et de 11 établissements préscolaires, qui accueille 3500 élèves — dont une première cohorte de 26 élèves dans la nouvelle école de Rivière-du-Loup. « On commence à accueillir la deuxième génération, celles des enfants dont les parents ont fréquenté nos écoles », raconte d’entrée de jeu Kim Marchessault, directrice générale de Coopérative Vision-Éducation, qui chapeaute le réseau.
Une autre manière d’enseigner
Cette ex-consultante en marketing a découvert les écoles Vision il y a dix ans en cherchant une école pour son fils. Elle a tellement apprécié l’expérience qu’elle a ouvert deux écoles : la Petite école Vision Lac-Beauport et l’École trilingue Vision Québec Nord. Ce qui lui avait plu, c’était justement que son fils puisse bien apprendre l’anglais sans perdre son français.
On n’est pas contre la loi 101, on est juste pour l’enseignement des langues
L’idée d’immersion signifie que les matières du programme de base sont enseignées en anglais. Dans les écoles Vision, on consacre jusqu’à 19 heures sur 30 à l’enseignement en anglais, mais 5 sont consacrées au français langue maternelle, 4 à l’espagnol et 3 à l’éducation physique. « On dépasse les normes prescrites pour les cours de français, dit Serge Pelletier, directeur pédagogique. C’est pour ça que notre programme est de 30 heures par semaine au lieu de 25 dans le [réseau] public. »
Il explique que le projet Vision n’a jamais visé à contourner la loi 101, au contraire. « En 2010, nous avons demandé à ne pas être classifiés comme “école passerelle” vers le système des écoles anglophones. » En d’autres termes, l’enfant qui passe par une école Vision ne devient pas un ayant droit du système secondaire anglophone. Les élèves, dont 98 % sont francophones, intègrent le secondaire en français. « On n’est pas contre la loi 101, on est juste pour l’enseignement des langues. »
« Privé non subventionné » ne signifie pas « liberté illimitée ». Le Québec est un des rares gouvernements au monde à obliger ce type d’établissement à se conformer au programme du ministère de l’Éducation.
« Tous les trois ou cinq ans, nos écoles doivent renouveler leur permis des ministères de la Famille et de l’Éducation, explique Serge Pelletier. Nos enseignants doivent tous être légalement qualifiés. Et tout le monde passe les examens du ministre en anglais et en français. »
Une autre manière de gérer
La structure organisationnelle des écoles Vision a changé deux fois. En 2005, le regroupement est devenu un réseau de franchises avant de se muer en coopérative en 2016.
Sur les 13 écoles primaires, 7 sont des OSBL ; le reste du réseau est constitué de sociétés par actions — bref, des écoles à but lucratif. Les plus grosses écoles du réseau, celles de Terrebonne et de Sherbrooke, comptent deux classes par niveau pour environ 250 élèves de primaire. La moyenne est de 140 élèves.
Même si les parents doivent verser des droits de scolarité de 10 000 dollars — et jusqu’à 13 000 pour le préscolaire —, les écoles privées non subventionnées ne roulent pas nécessairement sur l’or. En 2006, les écoles Vision de Drummondville et de Victoriaville, propriété des fondateurs, ont déclaré faillite.
Kim Marchessault explique que la grande majorité de ses 24 directrices générales (ce sont toutes des femmes) sont des enseignantes qui ont un certain goût du risque entrepreneurial. « J’ai ouvert mon école primaire avec 57 élèves en 2010, et je viens juste d’arriver à pleine capacité à 193 élèves. Et ça serait comme ça à Rivière-du-Loup aussi. »
D’après Serge Pelletier, le réseau Vision arrive à maturité, car l’exploitation d’une école privée doit composer avec les coûts de l’enseignement, et ceux de l’immobilier. Ce qui explique en grande partie pourquoi le réseau n’est pas implanté à Montréal. « Nos droits de scolarité doivent couvrir tous les frais. »
« Les parents de nos élèves ne sont pas tous des gens riches. Plusieurs font des sacrifices. Souvent, les grands-parents contribuent également, explique Kim Marchessault. La plupart des parents sont soit des gens qui ont souffert de ne pas avoir bien appris l’anglais, soit des gens qui l’ont très bien appris et qui veulent s’assurer que leur enfant aura la meilleure chance d’y arriver. »
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.