Vague d’anxiété sur les campus
C’était le rêve de bien des étudiants et des professeurs : enfin un retour sur les campus, après un an et demi d’enseignement à distance ! Finis l’isolement, la détresse et le manque de motivation. La reprise des cours en présence dans les universités, en plein début de quatrième vague, entraîne toutefois une poussée d’anxiété parmi les étudiants et le personnel.
Les universitaires ont perdu l’habitude de venir en classe, après 18 mois de cours principalement virtuels. Certains ont ressenti un malaise en se trouvant pour la première fois depuis longtemps en présence de beaucoup de monde, sans distanciation, dans un endroit fermé. Y compris dans les transports en commun.
Dès la première journée du retour sur le campus, mercredi, le Syndicat général des professeures et professeurs de l’Université de Montréal (SGPUM) a adopté à l’unanimité, en assemblée générale, deux résolutions qui témoignent d’une inquiétude indéniable : les profs réclament des lecteurs de CO2 dans toutes les classes ainsi que des tests de ventilation, comme dans les écoles primaires et secondaires. Ils veulent aussi un compte rendu des travaux menés pour assurer la qualité de l’air en vue de la rentrée.
Les professeurs revendiquent aussi le droit de choisir le format de leurs cours — en présence, à distance, en formule hybride ou bimodale — malgré la directive de revenir en classe. Le syndicat presse le recteur de « changer de cap pour éviter une rupture du lien de confiance de ses membres envers la direction ».
« Pour plusieurs de nos membres, l’anxiété l’emporte sur le désir de revenir en présence », dit Audrey Laplante, présidente du SGPUM.
« Le gouvernement a fait un bon travail pour sensibiliser les gens aux dangers de la maladie, ajoute la professeure à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’UdeM. L’idée de se retrouver dans une classe ou dans un amphithéâtre avec 50, 100, 200 ou 400 étudiants fait peur à bien des gens. »
Plus de 86 % des étudiants d’université ont eu leur deuxième dose de vaccin ou sont en voie de l’obtenir, selon les données du Bureau de coopération interuniversitaire. De l’avis général, tout porte à croire que le personnel est aussi largement vacciné.Le masque est obligatoire en tout temps, y compris en classe, sauf pour manger. Le passeport vaccinal sera requis pour des activités parascolaires ou sportives.
Angoisse chez des étudiants
La montée du variant Delta, plus contagieux que le virus d’origine, provoque néanmoins des inquiétudes. Même les étudiants, qui font partie d’un groupe d’âge moins à risque que leurs aînés de développer des complications de la COVID-19, ressentent une certaine angoisse.
« Je ne suis pas quelqu’un qui est anxieux dans la vie, mais j’appréhende la rentrée qui s’en vient mardi. Est-ce que les gens vont garder leurs distances ? Est-ce qu’ils vont porter le masque ? » lance Jules Plante, étudiant de dernière année au baccalauréat en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
« Le gouvernement demande aux employeurs de garder leurs employés à distance, mais il ouvre les universités. Je me sens comme si on envoyait les jeunes vaccinés en classe pour voir si ça fonctionne bien », ajoute-t-il.
Jules Plante a signé une pétition d’étudiants de l’UQAM qui réclament l’enseignement comodal — les étudiants qui le souhaitent pourraient suivre à distance les cours donnés en classe par leur professeur qui se filme — pour la session d’automne. Au moment où ces lignes étaient écrites, 3707 étudiants (sur plus de 39 000) avaient signé la pétition.
L’étudiant reconnaît que l’enseignement virtuel lui ferait gagner du temps. Il habite à Deux-Montagnes, dans la couronne nord de Montréal. Le train de banlieue du secteur a cessé de rouler pour la durée des travaux de construction du REM. Jules Plante estime qu’aux heures de pointe, il devrait passer trois heures par jour dans les navettes temporaires qui font l’aller-retour vers le centre-ville.
Un retour nécessaire
La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), qui représente notamment 12 000 chargés de cours d’université, note la même anxiété dans ses rangs. « Il y a beaucoup d’incertitude qui laisse planer un gros nuage de menaces sur la session. Est-ce qu’on va rester en présence ? » souligne Caroline Quesnel, présidente de la FNEEQ-CSN.
Malgré la lourdeur de la rentrée, le syndicat « adhère totalement » au mot d’ordre d’un retour sur les campus donné par la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann. « Pour nous, il est essentiel que cette session soit en présence. On veut créer un véritable lien avec la classe. C’est pour ça qu’on enseigne. On a beaucoup souffert de l’enseignement à distance », dit-elle, en insistant pour que le personnel ayant des problèmes de santé puisse enseigner à partir de la maison.
De son côté, devant les craintes des étudiants et des professeurs, l’Université de Montréal affirme avoir tout mis en œuvre pour assurer un retour en présence sûr pour tout le monde.
« Des mesures d’accommodement ont été offertes aux professeurs et aux chargés de cours dont la condition médicale présente un risque particulier […]. Nous avons aussi entendu les préoccupations des étudiants, qui sont majoritaires à souhaiter un retour sécuritaire au présentiel », indique Julie Gazaille, attachée de presse de l’Université de Montréal.
Elle précise que 90 % des salles de cours de l’établissement ont un système de ventilation mécanique. « Pour les 10 % restants, il y a toujours la possibilité d’une ventilation naturelle », ajoute-t-elle. Les mesures récentes des taux de CO2 « montraient que la qualité de l’air était adéquate dans tous les bâtiments testés ». Quant aux systèmes de ventilation, de chauffage et de climatisation, ils « font l’objet d’un entretien régulier ».
Québec investit 510 millions pour la réussite et la santé mentale
Québec investit 450 millions de dollars pour améliorer la réussite des étudiants de cégep et d’université. Un autre plan de 60 millions vise à protéger la santé mentale des étudiants, mise à mal par la pandémie. La ministre Danielle McCann souhaite augmenter de 1,5 % la proportion de Québécois détenant un diplôme collégial ou universitaire, dès 2022-2023. Le plan a été bien accueilli par les acteurs du réseau de l’enseignement supérieur. La Fédération des enseignantes et des enseignants de cégep (FEC-CSQ) a toutefois mis en garde contre la tentation de « fixer des cibles de réussite irréalistes » qui risquent « d’augmenter inutilement la pression sur des profs également épuisé.e.s par 18 mois de pandémie ».
Le Devoir