Apprendre la lecture et l'écriture à son propre rythme

Isabelle Delorme
Collaboration spéciale
L’organisme organise des ateliers d'alphabétisation populaire favorisant le développement des capacités de lecture, entre autres.
Photo: Getty Images L’organisme organise des ateliers d'alphabétisation populaire favorisant le développement des capacités de lecture, entre autres.

Ce texte fait partie du cahier spécial Alphabétisation

Ancienne travailleuse dans une manufacture, Simone avait toujours rêvé d’apprendre à lire et à écrire au moment où elle prendrait sa retraite. Aujourd’hui, quatre ans après ses premiers cours au Tour de lire, elle a été élue membre de son conseil d’administration. Comme elle, 24 personnes bénéficient chaque année des services prodigués par l’organisme d’alphabétisation populaire situé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Son objectif depuis 40 ans : accueillir chacun dans son cheminement et lui permettre de se développer à son rythme.

Lorsque cinq étudiants de l’UQAM fondent Le Tour de lire en 1980, leur constat est clair. Les services offerts par les commissions scolaires (devenues des centres de services scolaires depuis) ne sont pas suffisants pour répondre au besoin d’alphabétisation dans le quartier populaire Hochelaga-Maisonneuve. Il faut donc mettre sur pied un autre modèle.

« Nous sommes là pour accueillir les personnes en difficulté avec la lecture et l’écriture, là où elles en sont dans leur cheminement », explique Stéphanie Thibault, formatrice et cogestionnaire de l’organisme membre du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ).

Animé par un esprit communautaire, le centre fonctionne par petits groupes de six à neuf personnes pour permettre à chacun d’apprendre à son rythme. « Le Tour de lire est comme une deuxième famille pour nos participants, un endroit où l’on se sent accueilli et où l’on apprend à prendre la parole et à s’exprimer », souligne Marie Auer-Labonté, également formatrice et cogestionnaire de l’organisme. Contrairement à des contextes d’apprentissage plus formels, Le Tour de lire applique une pédagogie par projet. « Chaque groupe d’atelier d’écriture en français détermine au début de l’année le thème sur lequel il souhaite travailler. Il définit ainsi les sujets de l’année afin de coller aux réalités, intérêts et besoins des participants », explique Mme Thibault.

Prendre sa place dans la société

 

En misant davantage sur la coopération que sur la compétition et en faisant l’impasse sur les notes, Le Tour de lire répond aux besoins de ceux et celles qui se heurtent continuellement à des difficultés dans leur vie quotidienne. « Cela peut-être une mère qui veut aider son enfant à l’école, une personne qui souhaite écrire son CV ou quelqu’un qui a besoin de confiance pour s’aventurer au-delà de ses repères à Hochelaga-Maisonneuve : lire le nom des rues, prendre le métro et savoir où descendre », précise Marie Auer-Labonté.

Les participants aux ateliers prennent conscience qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette réalité. « Ensemble, nous pouvons poser des actions pour agir sur notre environnement social et améliorer les conditions de vie, lance Stéphanie Thibault. Permettre aux participants de prendre leur place dans la société est au cœur de l’approche du Tour de lire. »

Des participants à l’image du quartier

Le profil des personnes qui participent au Tour de lire est associé à l’histoire de Hochelaga-Maisonneuve. Lors de la création de l’organisme, c’était un quartier très défavorisé, peuplé en majorité de Québécois francophones. « Il y a des populations issues de l’immigration qui se sont installées ces dernières années et cela se ressent dans notre vie communautaire, même si c’est plus marqué dans d’autres groupes d’éducation populaire de Montréal », observe le duo.

Si l’âge moyen de fréquentation est de 57 ans, l’organisme accueille chaque année des participants plus jeunes, certains dans la vingtaine. « Le système scolaire n’a pas toutes les ressources nécessaires pour adapter ses services aux personnes qui vivent des défis particuliers, souvent reliés à la pauvreté qui est l’un des facteurs principaux de l’analphabétisme. Des jeunes en grande difficultés ont accueillis au Tour de lire », constate Stéphanie Thibault.

Lutter contre la pauvreté

 

L’organisme, qui se fait beaucoup connaître par le bouche-à-oreille, s’attache à défendre les droits des personnes analphabètes. Les cogestionnaires appellent aussi à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté. « Lorsqu’on est dans une dynamique de survie alimentaire, souvent associée à des problèmes de santé, c’est très difficile d’être investi dans sa démarche d’apprentissage et de trouver du temps pour soi », souligne Marie Auer-Labonté qui admire la résilience de ces « survivants » aux multiples défis.

Pour continuer sa mission — d’autant plus compliquée par la pandémie que les participants ont souvent une santé fragile —, Le Tour de lire craint de manquer de moyens financiers. « Nous avons fêté nos 40 ans, et c’est extraordinaire ! Mais nous manquons encore de financement pour combler les besoins, qui sont supérieurs à ce que nous pouvons offrir. Les groupes communautaires sont moins financés que les commissions scolaires [centres de services scolaires] pour l’alphabétisation, alors que nous rejoignons des gens que ces dernières ne parviennent pas à atteindre », déplore Mme Thibault, déterminée à donner leur tour aux personnes dans le besoin.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo